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Just Fake It: ou l’art de survivre en société au Théâtre Aux Écuries

C'est à la compagnie théâtrale Joe, Jack et John que le nouveau théâtre Aux Écuries a confié sa grande ouverture. Un mandat de taille vu l'ambition de ce nouveau lieu de diffusion. Le Théâtre Aux Écuries, autrefois appelé les Deux Mondes, réunit 7 jeunes compagnies théâtrales, toutes animées par les rêves d'une génération, la nôtre, que l'on étiquette à tort de désabusée.

La preuve, c'est qu'on prône ici fièrement des idéaux de communauté, de solidarité, d'innovation, bref, une envie profonde de faire de la culture autrement. Il y avait une foule de sourires, de regards allumés, heureux de se réunir pour ce 48 heures de fête, dans ce théâtre situé en plein cœur du quartier Rosemont, bien loin du très centralisateur Quartier des spectacles.

Chose certaine, c'est qu'on pourra dire mission réussie à la pièce d'ouverture Just Fake It. Rien ne semblait gagné d'avance dans ce premier numéro où Geneviève, une jeune trisomique danse comme une adolescence sur «Beat It» de Michael Jackson. Et notre inquiétude grandit lorsque l'on constata le curieux mélange d'acteurs atypiques, la marque de commerce de la troupe Joe, Jack et John, qui ici rassemble deux déficients intellectuels et deux acteurs plus ou moins inconnus. Aurons-nous droit à deux tons, à deux façons de jouer? À des comédiens qui accompagnent d'autres dans ce grand jeu qu'est le théâtre?

Les doutes se dissipent rapidement lorsqu'on constate à quel point Just Fake It traite son sujet, « faker », de la même façon peu importe sa condition physique ou mentale. Faire semblant est un état partagé par tout être humain qui se respecte dans une société, un geste de survie, que ce soit à travers les médias sociaux où nous avons plus d'un ami douteux, notre comportement social, notre habillement qui privilégie trop souvent les marques, ou encore aux produits Made in China qui ne sont que de pâles copies bas de gamme. Bref, le faux nous habille et nous habite. Il peut même devenir une partie intégrante de notre personnalité.

L'approche des scénaristes et de la metteure en scène permettent au spectateur de vivre un moment de réel plaisir. On ne culpabilise jamais le spectateur. Au contraire, les quatre personnages, tous atteints chacun à leur façon du même syndrome, usent de beaucoup d'humour, et révèlent souvent l'absurdité qui polluent nos vies.

On rit, on sourit, mais jamais on ne s’apitoie sur le sort de Geneviève (Morin Dupont), trisomique ou Michael (Nimbley), atteint de déficience mentale, tous les deux brillants, troublants de vérités dans leur propre tricherie. Jean-Pascal (Fournier) et Dorian (Nuskind-Oder) sont tout aussi justes dans l'art du faux. On ne tombe pas non plus dans le larmoyant, on évite aussi tout discours moralisateur. Et ça, c'est toute une victoire pour Catherine Bourgeois qui assure mise en scène et conception.

Usant de l'anglais mais surtout du français, les textes tirés d'improvisations des quatre comédiens semblent toujours justes, frais, sans fausse note. Là où parfois on se questionne, se sont sur ces solos de danse, particulièrement celui de Dorian Nuskind-Oder qui semble un peu long, et qui ne colle pas tout à fait à cette belle aventure. Reste que la chorégraphie finale à quatre réussit à nous surprendre par son clin d'oeil aux comédies musicales des années 60, où tout rimait avec bonheur. À voir et même, à revoir sans hésitation.

 

Just Fake it
Jusqu'au 29 octobre
Théâtre Aux Écuries | 7285, Chabot | auxécuries.com

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