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Radio Radio se met à nu en entrevue et ce n’est pas seulement une image

Le propos est direct, va droit au but. Le ton est léger, mais pro. Les trois gars de Radio Radio – Jacques Alphonse Doucet, Alexandre Arthur Comeau et Gabriel Malenfant – sont toujours aussi relax, badins, mais cette nouvelle rencontre dans un café du Mile-End a un petit quelque chose de plus formel que nos précédentes.

Normal: deux albums (Cliché hot, 2008, et Belmundo Regal, 2010), 45 000 copies vendues et des tournées incessantes plus tard, la bibitte acadienne a été pleinement adoptée par le public québécois, jusqu’à figurer dans son élite musicale. Les sorties d’albums, grosses salles, tournées, apparitions médiatiques… Tout ça fait maintenant partie de la routine.

À preuve: Havre de Grâce, un troisième album arrivé à peine deux ans après le précédent, quatre mois tout juste après le dernier concert pour Belmundo Regal, donné en décembre au Métropolis. J’ai devant moi trois musiciens professionnels et non plus «émergents».

«On a commencé le nouvel album, il y a un an et demi. On l’a terminé en septembre dernier, puis on l’a mixé en janvier. Au moment du dernier show pour Belmundo, on était en studio en train de le mixer», résume Jacques. Gabriel nous apprend qu’alors qu’on voyait et entendait encore Radio Radio partout, le groupe a pris une «pause» de la scène. «Pour se ressourcer, pour chill out, se mettre dans un headspace pour pouvoir faire d’la musique…» Ah bon? Première nouvelle! À peine a-t-on eu le temps de remarquer l’absence d’Alex, qui a pris plusieurs mois de congé de la scène pour aller prendre du repos au Texas…

Une chose est sûre: Havre de Grâce, arrivé à la mi-avril, n’est pas l’album de la routine et de la maturité que les artistes pondent souvent lorsqu’arrivés au même point. Si ça se trouve, c’est le truc le plus weird que le groupe a commis. Les gars s’en félicitent. «Dans ma tête, c’est à ça que ça sert, la reconnaissance: te permettre d’être plus créatif. Au moins, maintenant, on peut montrer qu’on peut faire autre chose. Pis on voulait pas d’une copie de Belmundo Regal», explique Jacques.

Gabriel renchérit: «J’crois que c’que les musiciens essaient de faire souvent, c’est de capitaliser sur la wave, de rider la wave, mais un peu comme le surfer qui r’garde les sickest waves rentrer depuis la beach. Mais c’est quand c’que t’arrives sur la wave pis que t’es sur le moment qu’tu pognes le momentum. Nous, c’est dans les chalets que ça se passe; c’est là qu’on vit pis qu’on crée. On l’sait pas, c’qui va arriver. Faut juste le faire.»

S’il y a une chose que le trio semble savoir faire, c’est bien de se donner les moyens pour «rider la wave». Il est donc parti s’enfermer dans le même chalet qui a servi de chantier à Belmundo Regal, dans sa Nouvelle-Écosse natale. Cette fois, par contre, il était accompagné de sa «grousse band» (dont font notamment partie le guitariste Kim Ho, de Creature, et les Karkwa Stéphane Bergeron et Julien Sagot), qui l’a auparavant accompagné sur scène durant les tournées Belmundo Regal. S’y ajouteraient par après des collaborations d’amis inconnus du public (comme la poétesse Georgette LeBlanc, entendue sur le single «Galope») ainsi qu’une seconde série de sessions effectuées dans un autre chalet, en Louisiane, celui-là.

 

HAVRER, MARIA
Comme un peu tout ce que fait le trio, ce choix de destination tenait à la fois de l’opportunité créative et du caprice hédoniste. «Pas qu’on trouvait qu’il manquait quelque chose, mais… on voulait plus», indique Jacques. «On voulait où c’qu’y faisait chaud», ajoute Gabriel. «On était au mois de novembre, il faisait frette, so on est allés en Louisiane pour ça. On a figuré out que si tu veux avoir un suntan l’hiver, faut qu’tu crées des projets pour aller autour, hence le music video de “Cargué dans ma chaise’’…»

En vérité, le trio avait eu le coup de coeur pour le pays de ses cousins cajuns lors d’une visite préalable, dans le cadre d’un festival musical. «C’était fou!» signale Alex. «C’est la meilleure crowd qu’on a eue après Montréal! But c’tait short and sweet, so on s’est dit: “on devrait revenir deux, trois semaines”.»

«En Acadie, on a la langue, pis on a la langue, poursuit-il. Ma, en Louisiane, ils ont le manger pis la musique. So ensemble, ça fait une culture complète.» Gabriel d’ajouter: «Y’a du feu big time par là-bas. Le Blue Moon (NDLR une sorte de saloon de Lafayette), c’est vraiment in your face! Y’a des hommes slick de 80 ans qui sont après danser l’two-step avec des tites chicounes de 20 ans avec des pumps. La vibe est ben, ben musicale.» Le groupe en rapportera une collaboration avec un chanteur et accordéoniste du coin, Horace Trahan, entendu sur «Y’en a qui connais».

C’est cette liberté créative et cet assortiment de collaborations qui constituent le Havre de Grâce désigné par le titre. «C’est hors de l’ordinaire. C’est ton safe harbor, ton port d’entrée», décrit Jacques.

En Acadie, «havrer» est également un verbe qui correspond plus ou moins à «arriver». «C’est arriver avec présence, explique Jacques. Quand c’tu havres, tu fais vraiment un impact.» Alex: «Disons que quelqu’un arrive pis qu’il est vraiment attendu ou vraiment pas aimé… Tu dis: “ah ben, garde donc qui c’qui a havré”. C’est plus qu’arriver, quasiment.»

 

RIEN DANS LES MAINS, RIEN DANS LES POCHES
Refrains en tête? Textes préécrits? Beats programmés? C’est sans rien de tout cela que Radio Radio arrive (ou havre?) en studio.

Le trio préfère véritablement laisser libre cours à l’inspiration du moment. «J’pense que nos pires refrains, c’est ceux qu’on a écrits à l’avance, indique Jacques. Les meilleurs, c’est ceux qu’on a fait sur place, juste avant d’enregistrer, basés sur le verse d’un de nous trois. Sur le coup, avec la beat. Off le bol de toilette, directement dans l’studio.» Il donne l’exemple de «9 Piece Luggage Set», de «Jacuzzi»… «Y’a un mix de préméditation pis de sponaneity», précise Gabriel.

Jacques prend le nouveau single «Galope» à titre d’exemple. «On avait une belle beat, mais pas d’paroles. Pis là, y’a une femme enceinte qui arrive, pis elle parabole about des ch’vals. Nous on est comme: ‘‘OK! Faisons une catchy tune!’’»

Ce qui ne veut pas dire que Radio Radio se met au travail sans préparation. Le hip-hop est un muscle que le trio, dans tout son anticonformisme, exerce avec ferveur. «Je sais pas si t’as vu les épisodes de Parler pour jaser qu’on a fait sur Facebook… On discute, on jamme des idées… On shoote the shit, basically», explique Gabriel.

Jacques appelle ces rencontres des bitch out sessions. «On les fait sur la route. En France, au Québec… C’est des moments qui nous permettent d’arriver à plein de thèmes, des idées de chansons… C’est ce qui nous permet d’arriver à quelque chose même quand on a rien à produire», explique-t-il.

Gabriel poursuit: «C’est le genre de discusson où on est tout l’temps après de se bitcher out, de débater about toutes sortes d’affaires éternelles, des gros discours… Moi, je lis beaucoup, on watche des movies, on est tout le temps après de s’picker la brain créativement, pis le coeur, pis whatever you wanna call it. J’pense que c’est de même qu’on feed off, que chacun arpente l’autre. On n’arrête pas de s’inspirer.»

«On est comme obsessed avec s’créer un univers, continue-t-il. On le fait quand on le sait, qu’un disque s’en vient, avant d’aller in studio, mais de façon générale, dans la vie, j’aime rester sur mes toes pis tout l’temps avoir une idée, un mythe, un univers à développer. Comme ça, quand on arrive dans les bois, on a chacun des choses à dire. Si t’es un artiste pis que t’as rien à dire, personne veut t’entendre. So faut qu’t’aies une perspective, une vision somewhere là-dedans; que’qu’chose que t’aimes à partager. Pis c’est toujours intéressant pour toi-même.»

Manifestement, voilà trois gars que la routine de la vie de pro ne menace pas.

Viens voir le making of de la couverture avec le trio qui te jase de speedos.

Radio Radio
14 juin | Métropolis
59, Ste-Catherine E.
avec Twin Twin
laradioradio.com

 

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