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Khoa Lê, jeune réalisateur montréalais très prometteur, présente son excellent «Bà Nôi» au festival Hot Docs de Toronto
Crédit: Un documentaire qui flirte avec le film d'art, le journal intime et la fiction, ça existe? C'est le pari réalisé par le cinéaste montréalais Khoa Lê avec Bà Nôi.

Vous ne connaissez pas Khoa Lê? Son premier documentaire Je m'appelle Denis Gagnon avait initié une vague de reconnaissance bien méritée pour le designer de mode québécois. Avec Bà Nôi, un titre qui signifie grand-mère en vietnamien, le réalisateur montréalais s'imprègne de ses racines et de son appartenance au Vietnam. Lê se questionne sur les nombreuses croyances de ce pays et des liens qui le lient avec cette famille d'outre-mer et tout particulièrement, cette grand-mère franche et authentique. Le résultat est joli et dense comme un poème, un geste visuel impressionniste qui rappelle la rêverie ou l'errance de la pensée. NIGHTLIFE.CA a rejoint Khoa Lê à Toronto quelques heures avant la première nord-américaine de son film au festival Hot Docs. Bà Nôi, autoportrait qui flirte avec la réalité, a d'abord débuté son chemin au festival Visions du Réel à Nyon (Suisse), où il faisait partie de la compétition officielle.

Quelle est la genèse de Bà Nôi? Pourquoi faire un film à propos de toi et de cette grand-mère qui vit au Vietnam?
Au départ, c'était une pulsion, une nécessité de raconter plusieurs choses à la fois. Avant que le film ne prenne forme, j'avais le désir de réaliser le portrait de ma grand-mère que j'adore et que je trouve magnifique. Je voulais filmer notre relation qui est, à mon avis, exceptionnelle. J'avais aussi le goût de questionner mon destin, l'histoire de mes parents, celle de l'immigration. Je croyais même faire un court métrage de fiction avec ça. Il y avait donc cette envie de parler de l'identité, de la place de l'individu par rapport à un lieu, par rapport à des rencontres. Qu'est-ce qui fait que je me considère Montréalais? Car je me considère Montréalais avant tout, avant d'être Québécois ou Canadien. Ma culture vietnamienne fait aussi partie de ce que je suis. Bref, j'avais des questions, mais pas de réponse.

Comment arrive-t-on à une œuvre aussi onirique, qui flotte d'un lieu à un autre?
J'ai érigé une architecture et réalisé une recherche formelle, car ce qui m'intéresse dans le cinéma, c'est la création d'un langage cohérent. Par la force des choses, je suis arrivé à une forme qui ressemble à de la pâte à modeler, un truc très naturel, très organique que j'ai appelé une série de tableaux. Ç'a pris beaucoup de temps de réunir tous ces fragments, ç'a été très difficile jusqu'au jour où j'ai pris la décision que la logique de ce film allait épouser la mienne, que je n'avais pas à me soucier d'aucune règle formelle, structurelle, rationnelle. Je pouvais me détacher de tout ça et me rapprocher de ma façon de pensée. Un peu comme un rêve. Et je me suis donc embarqué dans quelque chose d'assez gros.

Et aujourd'hui, vois-tu le fil qui relie tous ces beaux tableaux?
Pour moi, la trame de fond de Bà Nôi, c'est ce regard que je pose sur ces deux lieux qui me définissent, le Vietnam et le Québec. Et c'est ce que l'on retrouve, je crois, dans ce documentaire. Bien que j'ai quitté le Vietnam à l'âge de cinq ans, ce pays me parle tous les jours. Montréal est mon port. Bà Nôi n'est pas une quête identitaire, mais une matière qui me parle, qui m'habite et qui me hante.

Est-ce que ta famille a bien répondu à ton projet, à la présence de la caméra dans leur vie?
Le personnage principal est ma grand-mère. À 90 ans, elle n'a pas conscience de la caméra. Elle croit qu'il s'agit d'un appareil photo. Et ce n'est pas non plus la première fois que je la filmais, elle et mes cousines vietnamiennes. Elles avaient toutes une idée assez floue de mon projet, ce qui les a aidé à oublier la caméra.

Comment se sent-on de partager un bout de sa vie avec le grand public? On ressent une certaine gêne à la projection?
Non, pas du tout. Je suis capable de me détacher de mon film lorsqu'il est terminé. Je me suis pas mal dévoilé dans ce film, j'ai raconté pas mal de choses personnelles. Mais il y a un filtre artistique dans tout ça. En Suisse, j'ai même rencontré des Vietnamiens qui sont venus me voir après la projection et qui ont réellement saisi le film. Ça m'a énormément touché. Je vais me sentir stressé et vulnérable quand je vais le présenter à Montréal devant mes amis. Et à ma famille au Vietnam. C'est plus rassurant de se retrouver dans une salle où tous me sont inconnus. C'est alors le monde des possibles.

Bà nội Trailer from Picbois Productions on Vimeo.

lekhoa.ca
banoilefilm.com

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