Les MTV’s Music Video Awards nous font le coup depuis des décennies avec leur recette « au moins une performance-scandale par gala question qu’on en jase partout pour quelques jours ».
(Si Radio-Can cherchait des façons d’augmenter les cotes d’écoute de ses rares émissions culturelles, le secret est sorti.)
Cette fois-ci, c’était le scandale Miley Cyrus. Tout d’abord, j’aimerais préciser trois trucs :
1. Ce n’est pas mon genre de musique. (Je suis plus indie folk cheveux sales.)
2. Ce n’est pas mon genre de show. (Je trouve ça vide, plate et fake.)
3. Ce n’est pas mon genre de chick. (White girls can’t twerk, yo.)
À la base, la fille n’a rien révolutionné avec sa performance. Utiliser le sexe pour choquer les gens, briser une image d’adolescente angélique ou mousser la carrière d’une chanteuse pop, ce sont tous des trucs classés « déjà vu » depuis une éternité. Les exemples pleuvent :
Madonna l’a fait.
Janet Jackson l’a fait.
Lady Gaga l’a fait.
Britney Spears l’a fait.
Christina Aguilera l’a fait.
Les cinq crime de Spice Girls l’ont fait!
(Évidemment, ça passe mieux quand tu cries quelque « Girl Power! » au travers. Là, si t’es chanceuse, la foule va te faire graduer de slut à militante féministe.)
Ce qui m’impressionne toujours, c’est la violence avec laquelle on se permet de ramasser ces femmes-là. Il faudrait faire un montage Twitter et Facebook de toutes les insultes qu’on s’est permis depuis le gala. Personne ne s’est fait autant ramasser dans toute l’année. (Même pas le gars qui a donné le rôle de Batman à Ben Affleck.)
Mais bon, elle le mérite. La fille a twerké contre un dude (dont tout le monde se fout) alors qu’elle portait un bikini couleur peau et une grosse main en styromousse. Lynchez-moi cette salope!
Ce que j’aimerais savoir, c’est qu’est-ce qui choque le monde au point de susciter une réaction aussi forte. C’est clair que ça touche quelque chose de sensible. La fille ne vient quand même pas d’inventer l’hypersexualisation à elle toute seule.
J’ai confronté plein de gens là-dessus depuis l’évènement, et c’est peut-être parce que je suis fermé d’esprit, de mauvaise foi ou juste asshole, mais j’ai l’impression que personne n’a vraiment été honnête dans ses justifications.
C’est comme s’ils avaient tous eu une grosse réaction émotive super mean, et qu’ils tentaient ensuite de la justifier maladroitement avec des arguments rationnels. Pourtant, aucune justification ne semblait proportionnelle au mépris garroché initialement.
« C’est parce que je n’aimerais pas que ma fille fasse ça. »
Quand même drôle de noter que 90% des personnes que j’ai vu utiliser cette ligne n’avaient pas d’enfants, mais plus sérieusement, je peux très bien comprendre le parent qui ne souhaite pas que sa fille (hypothétique ou réelle) termine danseuse à cause qu’elle tripait fort sur Miley Cyrus. Mais est-ce que chier ouvertement sur une jeune femme qui danse sexy est censé être un bon exemple à montrer à ses enfants? Quand une fille commence à twerker, c’est legit de lui crier tous les noms, c'est bien ça? Prenez des notes, les enfants.
« Elle a une responsabilité face à sa crowd Disney. »
Nonon. Désolé. La fille n’est pas obligée de rester toute sa vie en mode 13 ans pré-crise-d’adolescence. Pour ceux qui cherchent ça, il y a Céline Dion. Et ai-je vraiment besoin de sortir le profil de tous les autres artistes qui vont aux MVA’s chaque année qui sont loin d’être des exemples à suivre et qu'on laisse tranquille?
« Rihanna n’avait pas l’air d’approuver. »
Sérieusement? La fille qui est retournée avec le dude qui la bat (un autre qui ne reçoit pas la moitié du mépris de Cyrus) est maintenant un baromètre crédible de bon goût? Come on.
« C’est juste que ça manque de classe. »
Il paraît que c'est toujours mieux d’être sexy avec classe que sexy de façon vulgaire, mais qui décide de ce qui est classe ou pas? La réponse : personne d’objectif. En fait, c’est sûrement un adon, mais curieusement, moins une fille est menaçante pour les autres filles, plus elle fera montre de cette fameuse classe. Par exemple, Madonna devient miraculeusement un peu plus respectée, tolérée et classy chaque printemps. (Et quand elle se fait faire une chirurgie, elle en reperd.)
« Je n’aime pas qu’une fille comme ça me représente comme femme. »
Peut-être est-ce parce que je suis un white boy (qui peut difficilement savoir ce que c’est d’être discriminé pour son sexe ou pour autre chose), mais personnellement, je me sens zéro représenté par le chanteur quétaine au kit Beetlejuice ou le rappeur gangsta’ qui se vante de vendre du bath salt et flinguer des thugs au quotidien.
Il reste que des filles qui méprisent, détestent et plantent ouvertement d’autres filles sous prétexte qu’elles les font supposément mal paraître en étant sexy, cochonne ou vulgaire, il en pleut.
« Ça fait reculer la cause! »
Ironiquement, tu peux surprendre ces mêmes personnes à raconter des trucs comme :
« C’est pas juste. Quand un gars couche avec plein de monde, on le trouve hot, mais quand une fille couche avec plein de monde, on la traite de pute! »
Ne se rendent-elles pas compte qu’elles sont elles-mêmes responsables de ce double standard qu'elles encouragent d’aplomb? Et je pense que c’est là qu’on s’approche du vrai problème. Dans le monde dans lequel on vit, il n’y a pas une cible plus facile que la fille qu’on peut traiter de slut ou de pute. À partir de là, elle devient fair game pour n’importe qui.
Si t’es une jeune femme et que tu ne veux pas que ça t’arrive, je vais te dire comment te comporter. Le truc est d'observer les filles plus vieilles et noter avec précision la longueur de leurs jupes, la quantité de maquillage dans leurs faces, la profondeur de leurs décolletés, le nombre de gars qu’elles fourrent, etc. Ensuite, calcule la moyenne de chacun de ces trucs et ne les dépasse JAMAIS.
Sinon, on va te détruire. En gang, et avec le sourire.
Parce qu’oser dépasser ce que les autres filles font, c’est donner à tout le monde le droit de te traiter de pute. (Right?) Et tout le monde sait qu’une pute, ça ne mérite aucun respect. (Right?)
Le féminisme est censé libérer les femmes afin qu’elles puissent enfin faire ce qu’elles veulent, mais trop souvent, on leur laisse surtout faire ce qu’elles veulent du moment que c’est approuvé par les bienpensants.
Il en revient à ces bienpensants de dicter :
– à quel point tu peux être cochonne
– les métiers qui sont respectables
– les religions qui sont acceptables
– les vêtements que tu peux porter
– ce que t’as le droit de faire ou ne pas faire avec ton corps
Comme si ces bienpensants étaient objectifs. Comme s’ils n’étaient pas drivés par l’envie et la jalousie. Comme si la plupart ne catalysaient pas leurs propres insécurités en s’attaquant à des jeunes pitounes sans importance.
Nulle part je n’ai vu quelqu’un dire : « On se calme. La fille a 20 ans. C’est normal qu’elle fasse des erreurs ou qu’elle y aille too much sur le sex-appeal. » Nulle part. Sans compter qu’une starlette du genre (qui vaut une fortune) doit déjà être aux prises avec un entourage particulièrement mercantile.
Nope. C’est juste une slut. Alors allons-y pour le gang bang. Après tout, si on la traite tous de pute en même temps, ça deviendra sûrement acceptable.
Je veux bien croire que la fille n’est pas la meilleure role-model du monde et qu’elle ne transmet peut-être pas le meilleur système de valeurs possible aux jeunes enfants immaculés des générations futures, mais de toute évidence, des valeurs de marde, on en avait déjà bien avant qu'elle se brasse le cul.