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FNC 2013: Entretien avec les réalisateurs de Cochemare, cauchemar érotique inventé en plein Mile-End
Crédit: Comme un laboratoire foutraque. Un atelier surréaliste. Un petit musée d’art en grand chaos. Maciek Szczerbowski et Chris Lavis, co-réalisateurs du court-métrage Cochemare, produit par Phi Films, nous reçoivent pour l’entrevue directement dans leur studio de production.

Comme un laboratoire foutraque. Un atelier surréaliste. Un petit musée d’art en grand chaos. Maciek Szczerbowski et Chris Lavis, co-réalisateurs du court-métrage Cochemare, produit par Phi Films, nous reçoivent pour l’entrevue directement dans leur studio de production. Il est planté en plein Mile-End, à deux pas du bar vintage Le Cagibi.


Maciek Szczerbowski (à gauche) et Chris Lavis (à droite) dans leur studio

Ambiance. Des bouts de décors en pagaille. Des objets hétéroclites qui pendouillent au plafond. Des étagères parsemées des personnages et des créatures qu’ils ont conçues au fil des ans. C’est ici qu’ils travaillent leur matière artistique. Férus autant des Marvel Comics que des films de Béla Tarr, ils aiment boire des bières en bouteille et disserter sur l’art en travaillant. Longtemps, ils mirent leur savoir-faire au service du Momentum, un théâtre montréalais d’avant-garde. Ils élaboraient alors des affiches. Suivent une foule de courts-métrages très fouillés (Madame Tutli-Putli, Higglety Pigglety Pop! or There Must Be More to Life), primés à plusieurs récompenses.

 

Leur dernière création, Cochemare, figure à l’agenda du Festival du Nouveau Cinéma. On trempe, avec Cochemare, dans un univers sensoriel, touffu, qui grouille de petites bestioles cauchemardesques devenues les objets du désir sexuel d’une astronaute endormie dans une capsule spatiale. Les deux mondes riment, se font écho, entrent en résonance. Ce petit morceau de bravoure en 12 minutes fait « rimer » la salive d’escargot avec les fluides corporels. Une affaire sidérale qui nous dépasse. Entrevue pour mieux comprendre.

NIGHTLIFE.CA : Cochemare est, entre autres, une vue d'artiste d'un cauchemar érotique. Comment avez-vous tissé ce lien entre cauchemar et désir sexuel ?
Maciek Szczerbowski : Ça remonte à un vieux débat du Vatican, tenu au XIXe siècle, qui interrogeait comment une femme, dont le mari était parti en guerre, pouvait devenir enceinte. Devant ce « paradoxe », le Vatican a tranché : c'est, clairement, le fait d'un démon qui s'infiltre dans la chambre à coucher et délivre la semence. Mais ils se sont rendu compte que les démons n'ont pas d'organes génitaux : ils en ont déduit (c'est l'explication officielle) qu'une conspiration de démons était à l'origine d'une collecte de semence, qu'ils transportaient dans leur bouche et déposaient ensuite au bon endroit. C'est extrêmement pervers de reprendre la mythologie comme ça… En tout cas, ce sont les bases philosophiques à la combinaison horreur-sexualité.

Cela n’a rien d’anodin, de mettre le rêve et le sexe en perspective.
Chris Lavis : Bien sûr, ça fait appel au subconscient. Mais le sexe dans un film n’est pas du vrai sexe. C'est le caractère du rêve. 
Maciek : On est purement dans la fantaisie particulière d’une femme. En l’occurrence, une femme qui se masturbe dans une capsule spatiale. La salive de l’escargot dans le cauchemar fait écho aux organes génitaux de la femme astronaute. Ça « sonne » pareil, ça rime. C’est pour cela que Cochemare est un monde humide. Mieux : c’est un monde sec qui devient humide. Le monde réel et le rêve s’affectent entre eux.

Cochemare Teaser from PHI Centre on Vimeo.

Vous avez choisi de vous emparer de l’espace. Pourquoi cette femme est-elle dans une nacelle spatiale ?
Chris : L'espace est un idéal intellectuel. Personne qu'on connaît n'est qualifié pour être astronaute… On était donc curieux de ce niveau de séparation, de dévoiler le « charme terrestre » depuis l'engin spatial.
Maciek : Il faut voir l'espace comme une métaphore qui « rime » comme un poème : ce qui s’est passé au XIXe siècle se déroule de façon hyperbolique dans l’espace – tout y est exagéré.

Votre studio artistique est bardé de toutes vos créations, et le film est en 3D. Dans quelle mesure combinez-vous vos décors matériels et les images de synthèse ?
Chris : On ne se sert pas tellement d’images générées par ordinateur. On aime bien mélanger les deux, mais on garde des techniques old school. Le stop-motion par exemple. La fleur qui s’ouvre dans Cochemare a été filmée image par image. La moitié du film a été tournée comme ça.
Maciek : On s’inscrit dans une tradition du collage héritée des années 1920. On ne sert pas d’écran bleu : pour nous, l’écran bleu n’est qu’une version moderne d’une paire de ciseaux. On reste artisanal. Les larmes de l’astronaute, par exemple, sont conçues à partir de bulles de savon.


La nacelle spatiale qui apparaît dans Cochemare

Cochemare est un matériau vraiment atypique, on peut en faire plusieurs lectures. Quelle a été votre démarche pour réaliser un tel OVNI ?
Chris : Faire un film d’animation, c’est notre manière à nous de faire du théâtre. Pour ce court-métrage en particulier, on a essayé de s’amuser, d’aller au bout du processus artistique. On fait en sorte de laisser grande ouverte une marge d’interprétation. On ne tient pas à accabler le spectateur avec nos idées. Ce n’est pas un film pour ton cerveau.
Maciek : On essaie de travailler sous forme pure (in pure form). On « charge » notre matière d’animation avec toutes nos expériences. Subconsciemment, on éjecte des parties de nous-mêmes qu’on met à l’intérieur. Et ça ne se fait pas sur commande : le singe de Cochemare a été créé bien avant la réalisation. On crée les choses desquelles on désire le plus l’existence – même si elles n’ont pas d’application immédiate. Cochemare est l’océan de notre subconscient.

Cochemare
Présenté au Festival du nouveau cinéma le 15 oct. à 19h15 (Cinéma du Parc) et le 17 oct. à 17h (Cinéma du Parc)

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