Aller au contenu

Ying Gao: La mode réinventée

Auteur: Sarah Lévesque
Partagez : facebook icon twitter icon
Ying Gao: La mode réinventée
Crédit: Mathieu Fortin

Ying Gao n'est pas une designer de mode comme les autres. Les vêtements qu'elle crée interagissent avec nous, bougent sur les corps, s'activent au regard, se transforment, s'illuminent et parfois même, s'étiolent. Cette jeune femme née en Chine mais Montréalaise depuis plusieurs années use de la mode comme un terrain de jeu surprenant. À partir de son espace de travail à l'UQAM, elle attire mille et un regard. Ying Gao compte des expositions et des défilés à travers l'Europe et les États-Unis ainsi que des articles dans le Vogue, The Guardian, Vanity Fair et Dazed&Confused. Bien que les chances de porter une de ses créations sont plutôt minces, Ying Gao marque l'imaginaire à sa façon. Le Centre du design lui offre d'investir son espace afin que la jeune s'expose comme elle l'entend. Une expérience mode à vivre avec tous ces sens à l'affût.

Ton exposition s'intitule «L'intangible» en tant que matière. Ça veut dire quoi pour toi? «Quand je travaille, que je crée une collection, je suis toujours très attirée par les éléments immatériels. Que ce soit l'air, la lumière, un concept sociologie, une réflexion. Je suis rarement dans le concret quand je développe un concept. Même quand je travaille dans une pièce, j'aime beaucoup intégrer des éléments immatériels, intangibles, comme le son ou le regard qui active un vêtement. Le fil conducteur est pour moi cet élément intangible qui est une spécificité de ma démarche.»

Crédit photo: Mathieu Fortin

Tu t'inspires justement d'éléments qui semblent loin de la mode. L'essai Esthétique de la disparition de Paul Virilio, la nature, les méduses. Qu'est-ce qui t'inspire le plus dans l'intangible? «Je suis lunatique, souvent dans ma tête, je n'arrive pas à être pragmatique. Et je suis énormément attirée par la lecture et la littérature. Quand je lis, les mots me parlent beaucoup. J'aime découvrir un second degré aux choses qui sont en apparence simples et faciles.»

Il y a en même temps une partie de toi attirée par l'expérimentation. Quelle place a la matière concrète? «C'est vrai que je suis concrète quand on tombe dans la production. Je suis énormément épaulée par mon collaborateur Simon Laroche, qui est mon concepteur en robotique. On travaille toujours à deux sur les projets interactifs. Cet aspect expérimental, il existe grâce à ce dialogue. Quand je lui parle d'une pièce activée par le regard, de Paul Virilio, de vêtements qui ressemblent à des méduses qui bougent dans l'océan, Simon parle tout de suite d'un certain modèle de caméra, de détecteurs de pupilles. On discute ensuite de la manière que le vêtement peut être activer par des composantes. Oui, ça peut paraître paradoxal. Tout part d'une certaine poésie pour ensuite se terminer dans quelques chose de très concret, où l'on cherche sur internet des senseurs pour réaliser cette pièce de vêtement.»


Crédit photo: Dominique Lafond

Qu'est-ce qui t'avais allumé dans l'essai de Virilio, Esthétique de la disparition? «Il parle de sujets qui me touchent comme la vitesse, l'image en mouvement. Au début du livre, il expose une maladie infantile qui s'appelle la picnolepsie. Ce sont des enfants qui vivent des moments d'absence totale, un truc que j'ai vécu quand j'étais petite, dont je suis guérie ou que peut-être pas. Ça m'a touché. J'en ai extrait des passages. Et tous ces passages s'articulaient autour du regard.»

Ton travail touche à la fois à la mode et l'art. Tu es designer ou artiste visuelle? «Je me perçois comme une designer de mode avant tout. Je ne sais pas à quel point aujourd'hui l'on peut dissocier l'art du design. Les frontières sont beaucoup plus floues. Mais je ne me considère pas comme une artiste visuelle. J'ai beaucoup d'amis qui le sont et je sais que je n'ai pas leur rigueur.»


Crédit photo: Dominique Lafond

Qu'est ce qui t'allumes dans l'univers de la mode? «C'est le moment où cette frontière s'estompe. Des artistes qui font des vêtements et des designers qui font de l'art. Des commissaires de musée qui s'intéressent aux designers de mode. Des pièces vestimentaires qui s'exposent au musée. Les exemples sont nombreux.»

As-tu l'impression que le côté interactif de tes vêtements grandira dans le prêt-à-porter demain? «Je ne crois pas que la manière dont je travaille les vêtements est adaptable à la vie quotidienne. Pour moi, ce sont des prototypes, des affirmations. Maintenant, il y a les vêtements biométriques, les vêtements pour les sports extrêmes, qui seront de plus en plus accessibles et présents dans la vie quotidienne. Je ne connais pas l'avenir.»

L'intangible en tant que matière
Du 14 novembre au 15 décembre
Au Centre de Design de l'UQAM
www.yinggao.ca

Plus de contenu