Le Détesteur: ma vie, un film qui te met en vedette

Je sais pas encore si c'est une bonne ou mauvaise affaire. J'en suis encore à évaluer la situation. Des fois j'sens qu'oui. D'autres, nope. C'est que, depuis 2-3 ans, j'ai l'impression de vivre dans un film qui n'a pas de fin. No-non, j'te parle pas de dépersonnalisation, ce trouble qui te transporte dans un rêve éveillé au milieu d'une foule en plein aprèm.

J'te jase d'un film où les gens autour de moi sont d'importants acteurs, figurants. Après y avoir réfléchi, je sais maintenant que je dois cette nouvelle perception du monde aux médias sociaux. À force d'avoir accès aux moindres détails d'une banale journée dans la vie de la plus banale des personnes, j'ai fini par adopter cette curiosité dans ma (vraie) vie de tous les jours.

On m'demande souvent; mais là, toi, si tu t'exposes autant sur le web, c'est qu'en quelque part, tu te penses intéressant, non? Indeed que j'me crois intéressant. Mais pas plus que toi. C'est parce que j'te trouve intéressant que j'imagine que j'le suis pour toi. C'est parce que tout l'monde m'intéresse que j'ai envie de faire ma part. Et c'est en transposant ces nouvelles manies à la réalité que soudainement, tout c'qui aurait habituellement échappé à ma curiosité a fini par m'enchanter.

Maintenant, quand j'te croise, je t'observe boire ton café. J'aime comment tu le tiens, c'est sexy. Mes modèles masculins ne viennent plus de la télé, ils prennent le métro avec moi. Tout le monde est bin plus beau, depuis que nous sommes nos propres magazines de mode, depuis qu'on s'instagramise la face. Tout attire mon attention. Tes maladresses comme tes bons coups. La façon dont tu balances les avocats dans ton panier d'épicerie. La réaction qu'tu peux avoir quand un inconnu t'aborde dans un lieu public. Absolument tout chez toi m'intéresse. Avant tu m'gossais pour des futilités, mais pu là. Le web m'a rendu tolérant dans la vraie vie, plus neutre.

Le prob avec ça c'est que tu me sembles parfois inatteignable. T'as remplacé les vedettes. Tu parais bien (même quand t'es laid-e) pis ça m'effraie. Dans mes journées les plus vulnérables, je te mets sur un piédestal comme on l'aurait fait avec les personnalités publiques quand on était plus jeunes. Gars comme fille. J'ai l'impression d'pas être à la hauteur tellement tu joues bien ton rôle d'être humain. Le citoyen étant désormais l'acteur principal du film perpétuel dans lequel j'admets vivre en début de texte.

Les gens qui figurent sur les encarts publicitaires n'ont plus trop de valeur depuis que tout l'monde est tellement mieux, tellement vrai. Mon très-long métrage carbure à l'authenticité. T'imagines même pas comment tu rends irrationnel le star system ainsi que ses mêmes quelque 30 visages qui reçoivent amour et admiration de manière unidirectionnelle depuis des lunes. T'es bin plus apte à m'inspirer qu'ils ne le peuvent. Tu penses peut-être que t'es rien, mais t'es de plus en plus quelque chose malgré toi. 

Pis j'dois dire aussi qu'Instagram m'a amené à apprécier davantage la nature, les buildings et à ouvrir l'oeil plus longuement sur tout c'qui ne s'achète pas. Je marche lentement pour ne rien manquer, pour étirer mes bains de foule et d'autres fois m'éloigner pour apprécier le silence des arbres, le changement des saisons.

Qui parle de me vendre du rêve? LOL. J'suis en plein dedans pis il se dessine sous mes yeux à toutes les secondes qui passent. Le web m'a glissé à l'oreille d'y contribuer.

Je te déteste.