On me demande souvent si j'suis pro-féministe et pourquoi je n'ai encore jamais écrit de billet à ce sujet. Vrai que j'me suis pas officiellement positionné comme tel, mais comme dirait un ami: «J'aime pas ça moi, le monde qui se définit juste en "-iste"». J'ai pas senti l'urgence de le révéler, en 2012, quand la vague féministe s'est emparée de tout l'monde. Je m'en réjouissais, par contre.
C'est qu'au fond de moi, je savais que je l'avais toujours été; c'est dans mes veines, dans l'éducation offerte par mes parents. Ils sont ensemble depuis plus de 30 ans et leur relation est basée sur une belle complicité 50/50. Con à dire, mais j'me voyais mal jumper dans la vague et crier haut et fort c'que tous scandaient après avoir été foudroyés par un éclair de lucidité. J'avais pas envie d'être un «Moi aussi, d'abord» quand je me savais déjà un «Je le suis».
Tout est arrivé si rapidement, avec les excès et les tentatives de réappropriation de ceux et celles qui en profitaient pour se forger une identité et discréditer les «pas assez comme eux» ou les «pas de la bonne manière», que j'ai toujours un peu peur que ça s'éclipse aussi vite. C'est ça le risque d'y aller trop fort et d'un grand coup; on devient blasé rapido et tranquillement l'ascenseur remonte. Mais j'veux pas qu'il remonte, cette fois. Je souhaite à ma nièce qu'elle puisse s'épanouir pleinement à l'école, comme dans la vie après.
Bref, cette longue prémisse pour finalement dire que la première fois que j'ai fait connaissance avec ma fibre féministe, j'étais au secondaire. Je ne savais plus parler aux filles de mon école tellement la relation qu'elles (pas toutes!) entretenaient avec les garçons était injuste. Le genre d'injustice qui venait ébranler ma conception de la vie. Jamais une fille ne pouvait se faire valoir comme leader d'une gang d'amis, par exemple; c'étaient les gars qui décidaient de tout.
Sais-tu c'que ça prenait pour qu'un dude se fasse kick out d'un cercle d'amis? Beaucoup. Fallait qu'il ait volé du pot ou de l'argent à un ami ou pire, frappé sa copine. Par contre, pour qu'une fille ne soit plus admise, ç'en prenait très peu. Un mensonge, un french, un décolleté, un chum avec une auto, une pipe, un gossip, une rumeur, un peu trop d'alcool, une photo, name fucking it.
Ça ne prenait pas grand-chose non plus pour qu'on lui colle l'étiquette d'hypocrite, menteuse, salope, agace-pissette, plotte à tire, plotte à noirs, cruche, name tabarnack it. Se départir d'un humain comme on le ferait avec un déchet et avec autant de facilité. De notre côté, avec peu de chance, on était des traîtres ou des tapettes. Et malheureusement, ça s'étendait plus loin qu'au secondaire.
J'arrivais pas à saisir; moi qui venais d'une famille où la mère avait autant son mot à dire que le père. Comment ces gars pouvaient agir de la sorte et pourquoi ces filles acceptaient ce sort sans broncher? J'voulais pas, moi. J'avais envie que la vie continue comme au primaire, alors que le sexe ne défavorisait personne et tout l'monde pouvait jouer avec le camion jaune.
Fak pour répondre à ta question; oui, je suis pro-féministe et ç'a sûrement été ça ma pire épreuve du secondaire; réaliser qu'on me demandait de ne pas trop me lier d'amitié avec les filles; ces vulgaires vagins débiles si aisément interchangeables. J'étais pas très à l'aise là-dedans. J'avais probablement pas choisi les bons amis, i guess.
Ne laissons jamais cet ascenseur remonter; le sexisme, ça touche tout le monde, même les gars.
Je vous déteste.