La grande majorité des chefs cuisiniers sont en quête d’identité.
Il y a les petits jeunes, qui se cherchent en sortant des écoles, ceux qui imitent les plus grands, ceux qui surfent sur la tendance de la décadence. Il y en a des blasés, des désorganisés. Il y en a qui manquent tout simplement de vision, ou pire, de talent.
Une fois de temps en temps, Montréal a le bonheur de tomber sur un chef qui « s’est compris », et qui propose une cuisine qui n’imite pas les autres, une cuisine qui le respecte, dans son identité, si humble, si excentrique, si bizarroïde soit-elle. Difficile de dire ce qui se produit dans ces cas-là, c’est un phénomène assez subtil, comme une magie qui s’opère… Mais je dirais qu’un bon indicateur est cette impression de rentrer dans un restaurant où tout est « cohérent ». Cette trempe de restaurateurs est assez rare, et quand j’entre dans un endroit béni, d’abord je le sais presque instantanément, ensuite je glousse intérieurement de joie. Peu d’adresses à Montréal font partie de ce petit temple de l’authenticité.
C’est le cas du Mesón, la nouvelle table de la talentueuse Marie-Fleur St-Pierre.
Le Mesón est tout nouveau tout chaud : les portes de l’établissement ont libéré les premières effluves de son menu il y a à peine une semaine.
Je ne m’exprimerai pas sur le service, pas parce que l’expérience laissait à désirer, je vous rassure, mais simplement parce qu’en quelques jours, ce serait vraiment beaucoup en demander au personnel de salle. On va leur donner un break, et leur laisser un peu le temps de s’installer dans leurs nouveaux quartiers…
Pour la cuisine par contre, mes attentes étaient au TOP. Avant qu’un restaurant n’ouvre ses portes, Marie-Fleur a eu tout le temps pour tester, goûter, ajuster et peaufiner son menu. Elle avait aussi sa réputation à honorer : le Mesón est un peu comme la grande sœur du Tapéo, resto plus désinvolte, mais tout aussi bondé, où on fait plutôt dans le tapas. Ici, la cuisine est toujours espagnole, mais la forme est plus traditionnelle: des entrées, des plats, des desserts ibériques.
Verdict : victory.
En entrée, garrochez-vous sans hésiter sur ces pogos de boudin, sauce à la moutarde. La pâte sucrée enveloppe suavement des boules de viande savoureuses que l'on trempe dans un cocktail de saveurs acidulées et ça se marie parfaitement. Délicieux.
Pogos de boudin, salade de chou et moutarde aux coings, 11$
La salade de tomates aux figues flashe peut-être moins que les pogos, mais ne donne pas sa place quant aux surprises en bouche. C’est à la fois frais, acide et sucré, nos papilles ne savent plus où donner de la tête.Tomates sur vigne, fromage de chèvre et herbes, 15$
Fabuleuse bouillabaisse, aussi, où de tendres morceaux de fruits de mer et de poissons pataugent allègrement dans un bouillon aux herbes et aux noix. Pensez à demander du pain – qui n’est servi que sur demande – pour gober joyeusement tout ce jus.
Bouillabaisse espagnole de lotte et moules, 23$
Voilà donc. Ça se termine sur une note "du vendredi soir". Pas spécialement cheap, mais vous ne regrettez pas votre investissement. Je vous le promets. Olé!
Restaurant Meson
345 rue Villeray | (514) 439-9089 | restomeson.com
photos Christine Plante