Critique de «Napoléon voyage»: la pièce qui donne envie de partir au bout du monde
Samuel LarochelleAvec ses vêtements trop amples, son vieux t-shirt, sa barbe mal rasée et ses airs de gringalet, Jean-Philippe Lehoux ressemble aux jeunes trentenaires qui passent leur vie derrière un ordinateur. Pourtant, au-delà de ce cliché facile et peu représentatif, on découvre les histoires ahurissantes d’un gars qui a vu le bout du monde et qui nous donne envie de le voir à notre tour!
Auteur du joli succès de la saison dernière, Comment je suis devenue touriste, le dramaturge se rapproche davantage du public en collaborant à la mise en scène de Napoléon Voyage avec Philippe Lambert (à qui l’on doit l’excellente Midsummer) et en interprétant lui-même le fabuleux texte qu’il a pondu.
Que les allergiques à l’histoire avec un grand «H» se rassurent, il n’est pas tant question du petit empereur français que des histoires abracadabrantes survenues lors des voyages de Lehoux en Bosnie, au Japon, en Syrie et à Cuba depuis quinze ans.
Avec un réel talent de comédien et des habiletés de conteur indubitables, le globe-trotteur enfile une succession d’anecdotes hilarantes, touchantes et porteuses de réflexions. On peut difficilement résister aux nombreuses péripéties entourant son rapport à la nourriture et à la digestion, amenées non pas à la façon puérile d’un film d’ado, mais avec une mise en contexte fort habile et un merveilleux sens du punch.
Les voyages sont aussi pour lui l’occasion, involontaire, mais inévitable, de faire des rencontres qui chamboulent sa vision du monde. Comme ces survivants de la guerre de Bosnie qui ne sont pas scotchés aux pages défraichies d’un livre d’histoire, mais bien ancrés dans le présent. Ou ces prostituées de La Havane, aussi nombreuses le long d’un boulevard que les cigares cubains le sont dans les références au pays de Fidel, qui descendent plus bas que le voyageur le plus aguerri pourrait l’imaginer. Ou encore, ces habitants des nations défavorisées du monde entier qui seraient prêts à vous offrir leur toit, leur lit et leur cuisine, avec une main sur le cœur, plutôt que de manquer à leurs devoirs d’humanité.
Toutes ses aventures nous permettent de saisir l’énorme différence entre touristes et voyageurs, à l’image de ce détour dans un temple syrien où il a pris le temps de contempler le vide, alors qu’un groupe de Français est allé, a vu et a vaincu en moins de sept minutes.
Capable de capter l’essentiel et de raconter chaque histoire avec de petits détails qui changent tout, le tandem Lehoux/Lambert nous transporte sur tous les continents avec presque rien: quelques cartes postales collées au mur, un sac de voyage abandonné dans un coin, les traces d’un itinéraire placées ici et là, l’espace IDIOT réservé pour évoquer les pires gaffes du voyageur (on adore!), l’accompagnement d’un musicien-chanteur follement talentueux et le bagou irrésistible d’un comédien.
Napoléon voyage
Du 25 août au 12 septembre | Théâtre La Licorne