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Portrait de Jean-Philippe Baril Guérard, un jeune acteur, auteur et metteur en scène bourré de talent!
Crédit: Jérôme Guibord / Shoot Studio

Jusqu’au 20 décembre, Espace Libre présente Tranche-Cul, une pièce qui explore les limites et dangers d’une société dans laquelle toutes les opinions se valent, en vertu de la libre expression. Rencontre avec l’auteur et metteur en scène Jean-Philippe Baril Guérard, qui signe également un premier roman à la fois drôle et critique, Sports et divertissements [NDLR: qui se classe dans notre Top 10 livres de 2014].
 
Dans Tranche-cul, Jean-Philippe Baril Guérard met en scène une suite de longs monologues, sans droit de réplique à l’interlocuteur. Nous sommes en démocratie, donc on peut bien dire ce que l’on pense, et toutes les opinions se valent, non? Jean-Philippe explore les failles et dangers d’une hypocrisie dans laquelle nous nous berçons à longueur de discours médiatiques. «Toute opinion se vaut aujourd'hui. Qu'elle soit développée, argumentée, fondée ou non, sous prétexte qu'on est en démocratie et que l'on peut penser et dire ce que l'on veut, on peut affirmer et entendre des choses totalement infondées et irrationnelles. C'est dangereux.»
 
Le jeune homme, qui de toute évidence fait partie de cette jeune génération aux mille idées à la seconde, prend comme exemple la théorie de l’évolution: «On l’utilise pour défendre tout et n’importe quoi, pour justifier l’eugénisme ou les structures hiérarchiques. C'est parce que la nature a fait telle ou telle personne comme ceci ou comme cela qu'elle est inférieure ou supérieure en tel ou tel domaine. C’est une vision déformée, un sophisme mensonger.»

On parle de critique, d’esprit d’analyse et de distanciation. Mais plus qu’on ne le croirait, on se laisse facilement séduire par n’importe quelle idée, car nous aurions tous une part profondément «animale» en nous, prête à se laisser convaincre. «Les acteurs disent tout ça avec énormément de naturel, comme si ça allait de soi, et de façon très polie aussi. De la façon dont, dans la vie courante, on commence une phrase par ‘‘Hé excuse-moi, ça vaut c'que ça vaut, mais…’’, précise-t-il. Les discours autour des événements, c'est ce qui m'intéresse. Et l'utilisation des débats pour avoir un rapport de force sur l'autre.»
 
Au niveau de la forme, la pièce se présente dans une esthétique très sobre: «Pour montrer à quel point on peut être perméable à l'enrobage, j'en ai mis le moins possible. Mais tout est poussé à l'extrême, les traits sont exagérés.» Et pourquoi quinze acteurs? «Parce que je force le spectateur, à chaque nouvelle entrée en scène, à avoir un regard vierge sur une nouvelle personne. Et il est d’autant plus vulnérable et facile à séduire, parce qu’il n’a pas encore fait son jugement sur l’interlocuteur.» De quoi déstabiliser. Regard acéré du jeune homme, mais amusé aussi. Jean-Philippe Baril Guérard réinvestit le théâtre comme lieu de la critique et du divertissement. Sous couvert de liberté de parole, nous serions donc dans une ère de violence verbale forte dans nos discours publics et interpersonnels… À méditer et aller voir sur scène.
Karine Gonthier-Hyndman dans Tranche-cul (Photo: Hugo Lefort)
Dans un style tout aussi vif, aiguisé et saccadé, à la façon d’échanges ultra-actuels sur les réseaux sociaux, son premier roman, Sports et divertissements (Éditions de Ta Mère) est à la fois drôle et critique. Un portrait rocambolesque d’un groupe d’amis privilégiés qui ne connaissent pas ou peu la nécessité de l’argent et du travail, et qui s’étourdissent dans un tourbillon de drogues, de sport, d’art et de plaisirs en tous genres. Saturer le quotidien pour oublier le vide et le non-sens. Mais quelle direction se donner? Peut-on encore se fixer des objectifs? Entre paradis et enfer de ce que l’époque actuelle, la société du loisir peut parfois offrir. Une petite éraflure à son propre milieu, confesse Jean-Philippe: celui des comédiens. «C’est sûr qu’à choisir, moi-même je vais préférer ça à un mode de vie dans lequel je travaillerais 40 heures semaine… Mais c’est étrange aussi. Plaisant et étrange. Alors on fait comme si ça allait passer, on se met dans une hyperactivité bizarre… Sans trop savoir si ça va vraiment passer.» Bref, un roman façon Bret Easton Ellis, dont Jean-Philippe affirme tirer l’inspiration.
 
Les futurs projets de Jean-Philippe naviguent entre écriture, scène et écran. Il y trouve un bel équilibre entre ses tendances de distanciation critique et besoins de contact humain et d’action. Trajectoire multiple et dynamique d’un jeune acteur, auteur et metteur en scène à suivre absolument!
 
Tranche-cul | Présenté à Espace Libre jusqu’au 20 décembre 
Sports et divertissements | Publié aux Éditions de Ta Mère

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