Pour mon 30ème anniv, en novembre dernier, je me suis offert une liberté que je ne m'étais jamais accordée avant l'année dernière. Je me suis permis d'être chubby et de ne pas capoter avec ça.
C'est que, jamais de toute mon existence, avant aujourd'hui, je ne m'étais laissé le temps ni l'occasion de l'admettre, le dire et l'assumer: je suis gros. Aussitôt que je constatais le drame, je m'arrangeais pour tout perdre et rapido. Et ça fonctionnait. Il m'était impossible de vivre avec cette idée, avec ce corps qui ne pouvait être le mien.
Ceux qui m'ont déjà côtoyé le savent, j'ai dû perdre une cinquantaine de livres d'une shot au moins 5 fois au courant de ma jeune vie. Quelque 250 livres gone, au total.
Récemment, cet inévitable et appréhendé moment où une urgence de devoir faire un move et vite s'est fait connaître. Beaucoup connaître. J'ai grossi. Et ma présence sur les médias sociaux n'a pas maigri elle non plus. Mon visage se fait voir partout et l'envie de plaire davantage à ceux qui le voient vient avec, évidemment. Alors, oui, je capotais. J'avais envie de me sentir beau, ou du moins, que ceux qui étaient de cet avis n'arrêtent pas de le penser.
J'avais envie de capoter encore plus, de faire comme d'hab, et j'étais sur le point de. Mais non. J'allais devenir chubby pour la première fois de ma vie. Gros, peut-être, même, si ça se trouve. Je veux dire, l'être pour vrai, pour un moment. Le vivre sans avoir envie de mourir. Contribuer à changer les perceptions aussi, qui sait.
Bon, c'est temporaire, parce que je dois l'admettre, c'est chiant magasiner dans cette condition. Et point de vue santé, je ne vais apprendre à personne ici qu'il est toujours préférable de se tenir en forme. Mais je devais l'assumer au moins une fois dans ma vie. Mieux, je voulais le faire devant des milliers de personnes, sous les yeux des gens qui adhèrent à une tribune qui ne cesse de gagner en popularité. Ce que j'aurais autrefois qualifié de cauchemar.
Je le fais parce que je repense à toutes ces figures publiques de forte taille qui acceptent, à un moment ou un autre de leur carrière, de jouer le rôle de celui qui, de par son physique dit ingrat, dégoûte, fait rire et n'arrive jamais à séduire le sexe convoité.
Quand on est gros, on nous parle toujours d'autodérision. Toujours. Mais je crois qu'on ne comprend pas très bien le concept de l'autodérision. Tout d'abord, quand on est gros, l'autodérision, on nous l'impose, il ne s'agit jamais d'un choix. Et deuxièmement, elle implique qu'une personne arrive à se moquer d'elle-même et non pas de tout le monde en même temps. C'est donc dire qu'un gros qui accepte de rire de son surplus de poids est un gros qui permet qu'on rit de tous les gros et donc contribue à ce qu'on frappe sur la tête des jeunes en surpoids dans la cour d'école.
L'autodérision, c'est quand une personne accepte de rire d'une situation qui lui est propre à elle et personne d'autre. Quand on est gros et qu'on insiste pour rire de soi, on cause du tort à tous ceux qui ne sont pas forcément au même endroit dans leur acceptation de soi, et pire, on fournit encore plus de munitions aux bullies.
C'est donc parce que je n'avais plus envie de céder à tout ce cirque que j'ai fait le choix de maintenir mon surpoids pour un moment, de l'assumer et le vivre. D'afficher, avec fierté, qu'il est possible de le vivre. Arriver à me sentir bien, malgré tout. Accepter qu'il peut aussi s'agir de mon corps, malgré ses quelque 30 livres supplémentaires.
Je respire déjà mieux.
Je suis gros et je ne capote pas (plus) avec ça.
Je vous déteste.