Après avoir donné quelques claques aux touristes bébettes dans «Comment je suis devenu touriste» et convaincu le plus sédentaire des hommes de partir à la découverte du monde dans «Napoléon voyage», l’auteur et comédien Jean-Philippe Lehoux réussit un tour du chapeau. Sa toute nouvelle création, «Normal», est une ode aux rencontres que l’on fait avec soi-même et le reste du monde dans les lieux les moins attirants de la planète.
L’année dernière, le créateur avait demandé au public du Théâtre La Licorne quelle était la destination la plus «contournable» qui soit, afin d’y passer un mois sans droit de sortie. Parmi les 700 suggestions, l’heureuse élue fut la ville de Normal, en Illinois, où les attraits se résument à une gare, un rond-point, le Motel 6, l’ancien Motel 6, la très haute résidence étudiante et une série de petits commerces sans histoire.
Durant le premier tiers de son voyage, Lehoux s’empêtre dans le néant de la normalité: non stimulé par de véritables activités touristiques, paralysé par la peur d’aller à la rencontre de l’Autre, confiné aux quatre murs de sa chambre d’hôtel monotone, il remet en question l’entièreté de sa démarche.
Jusqu’à ce qu’un message vocal (véritable) de son paternel fasse bifurquer la route de son cul-de-sac. En quelques mots pleins de simplicité, de bon sens et d’affection, papa rappelle à fiston qu’il n’y a jamais «rien» à voir dans un lieu, mais plutôt bien des choses qu’on manque et tant d’autres qu’on devrait apprendre à voir.
Crédit: David Ospina
Notre globe-trotter chéri quitte alors le confort relatif du Motel 6 pour un repère à couch surfeurs, il fait la rencontre étonnante d’une gestionnaire de champ de maïs, ouvre la discussion avec des consommateurs de houblon, se mêle à des regroupements les plus différents les uns des autres, s’ouvre peu à peu, se surprend, se découvre et se transforme sous nos yeux.
Après des années à parcourir la planète à la recherche de vibrations lui confirmant qu’il existe et le rapprochant de sa nature profonde, Lehoux comprend peu à peu la richesse de ce qui se trouve sous ses yeux, à Montréal, en Amérique, au coin de la rue, dans le visage voisin, chez cet Autre porteur d’histoires plus riches les unes que les autres.
Citant Barthes et Foucault avec grâce, possédant un sens de l’autodérision aiguisé, ayant eu la bonne idée de s’adjoindre le talent de Sarah Laurendeau en tant que DJ et comédienne au sens comique aussi développé que sa capacité à interpréter 1000 personnages, le dramaturge utilise le rire pour ouvrir nos cœurs, afin de nous ébranler avec un amalgame de candeur et de compréhension du monde.
Un autre bijou signé Lehoux.
Normal
Jusqu'au 25 septembre à La Petite Licorne