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Le Détesteur: Richard Martineau est-il notre Donald Trump québécois?
Crédit: Johana Laurençon

Je me questionne à savoir s’il est possible que Richard Martineau dise une monstruosité sans que la terre ne cesse invariablement de tourner. Est-ce que la situation exige de nous à chaque fois qu’on se mobilise au point de décerner à son papier le titre d’événement de l’hiver plutôt que de se contenter d’un simple «t’es vraiment un esti d’épais, mais cela dit passons rapidement à autre chose»? Est-on capable d’intervenir sans pour autant lui accorder la certitude qu’il puisse dire n’importe quoi et still voir la terre trembler sous chacune de ses inepties? Toutes les voix doivent-elles à tout prix se faire entendre?
 
Disons-le: quand Martineau va au bat, il touche le homerun à tout coup. S’amuse. Les propos orduriers qu’il tient, possiblement qu’il ne les tiendrait pas si d’avance il savait qu’une horde d’indignés ne l’attendait plus dans le détour pour faire immanquablement circuler massivement sa toute dernière diatribe insidieuse.
 
Que lui resterait-il si ses textes n’arrivaient plus à faire fortement réagir les alliés du progrès? C’en vaudrait vraiment le coup de se mettre à dos les collègues pour si peu d’écho? De se savoir aussi dangereux et continuer à sévir sans que personne jamais n’intervienne? Peut-être que oui, peut-être est-il vraiment épais aussi, malveillant surtout. Probable.
 
Chose certaine, la haine dirigée à son endroit ne lui arrive pas de manière impromptue parce qu’on aurait mal interprété ses propos ou encore qu’il ait commis une immense maladresse. Tout est calculé, parfaitement assumé. C’est ici, juste là, qu’il voulait piquer et c’est juste là que son dard s’est posé. Pas un faux pas.
 
C’est comme si l’idée de ne pouvoir dire certaines choses lui paraissait insoutenable, alors il les crie. Non seulement il se permet de hurler l’interdit sur les toits, mais en plus, et comme tout est parfaitement assumé, qu’il s’en câlisse, il y survit toutes les fois. Il survit à tous les lynchages dont il est la proie.
 
Quand le backlash est planifié à l’avance, les injures qui te sont adressées n’ont plus aucun impact sur le moral et encore moins dans une dynamique nébuleuse de « vilain qui cherche à semer la zizanie ». Il doit bien y avoir un petit quelque chose de réjouissant, quand même, dans l’idée que tout se déroule précisément comme tu l’avais anticipé. C’est la bourde qui fait mal, le fait que tu te retrouves dans l’embarras pour un truc qui à la base te paraissait inoffensif. Mais quand au contraire le trouble tu le convoites parce qu’il t’amuse et te fait même très bien vivre, j’imagine que t’es pas mal immunisé contre la plupart des guerres nucléaires qui se préparent.
 
C’est ça, Martineau. On ne traite pas avec lui comme on traite avec Louis Morissette, par exemple. Morissette, malgré qu’on puisse lui reprocher le manque d’écoute dont il a su faire preuve à TLMEP, a tout de même reconnu son erreur. Je ne crois pas qu’il souhaite réitérer l’emploi du terme moustique pour désigner ses opposants.
 
Martineau non seulement aurait réitéré, mais aurait vite fait de dénicher un terme encore plus réducteur que moustique. Tout sourire. Juste pour faire chier, pour assommer tout le monde de son arrogance. Il n’y a plus chez lui cette quête de vérité, cette volonté de résoudre des conflits. Il est belliqueux, entêté et malintentionné. Un troll.
 
Martineau, c’est notre Donald Trump, ou tiens, notre Martin Shkreli. Un vilain qui ne cherche qu’à polariser. On traite différemment avec ce type-là, ou du moins, on s’arrange, autant que possible, de ne pas lui offrir exactement ce qu’il demande. Ce qu’il demande, ce monde-là, c’est qu’on fasse couler beaucoup d’encre, qu’on s’arrache les chemises de sur le dos. Il s’attend à se faire injurier, c’est ce qu’il souhaite.
 
Quand tu traites de con quelqu’un qui veut qu’on le traite de con, il bande. Quand ton visage emprunte les couleurs de la colère devant quelqu’un qui ne cherche qu’à te faire perdre ton calme, il jouit.

Quand Richard décide un matin qu’on parlera de lui pendant une entière semaine ou peut-être bien deux, Richard obtient ce qu’il désire. Quelques imbécilités haineuses insérées ici et là dans un texte de 400 mots et on y est. La bombe est larguée. 

Un billet comme Les filles, c’est nono, quand on s’y attarde, fait perdre énormément d’énergie, de temps, nous ramène là où on a été des millions de fois, nous pousse à réécrire les évidences, ce qui a déjà été dit et redit x1000.

C’est pas tout le monde qui sait que les filles c’est pas nono, j’en conviens, et il est important qu’on s’oppose vivement à toute forme de misogynie dont celle de Richard Martineau. Mais quand on a devant nous un troll fendant qui ne cherche qu’à provoquer seulement pour que tous les projecteurs se tournent vers lui, peut-être faudrait-il s’y prendre autrement? 

Je sais pas, vous n’êtes pas tannés qu’un couple de célèbres chroniqueurs, semaine après semaine, décide à votre place des thèmes qui seront débattus sur la place publique? Vous n’avez pas cette impression qu’il faudrait peut-être concentrer les énergies ailleurs en commençant d’abord par ne pas leur accorder aussi facilement l’attention qu’ils vous demandent? Vous ne pensez pas que vos mots seraient peut-être mieux investis dans un débat similaire qui n’a pas cette fois été engendré par un troll qui se fout de votre gueule? 

Personnellement, je ne me plais pas à l’idée qu’une seule personne détienne le pouvoir de virer la province à l’envers quand bon lui semble. Et bon lui semble câlissement souvent. 

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