Je considère les artisans de notre gastronomie comme des créateurs. Des artistes de la culture québécoise, au même titre que les musiciens, les cinéastes et les danseurs. Comme dans tout secteur culturel, tout le monde ne pousse pas la réflexion artistique et il y aura toujours des blockbusters qui ne cherchent qu’à vendre de la copie et faire exploser le box-office. Dans les salles de cinéma comme dans les salles de restaurant, ces promoteurs de volume ne sont pas souvent salués par la critique.
Une fois de temps en temps, la scène culinaire révèle un jeune prodige.
Voici le Marconi, un petit bijou qui s’ajoute à notre répertoire de restaurants montréalais déjà surpeuplé de bonnes adresses, créatives et diversifiées. Qu’importe, quand il y a le talent, il y a toujours la place pour les nouveaux venus.
Ce projet était très attendu, parce que produit par une équipe déjà bien connue dans l’industrie de la restauration. Mehdi Brunet-Benkritly, avec sa bonne quinzaine d'années derrière le tablier, a fait ses classes aux Toqué !, Pied de Cochon, aux côtés des Dave Mc Millan, Charles-Antoine Crête, Hugues Dufour et autres coqs notoires, en France et à New York, et a nourri son parcours de plusieurs voyages dont il ramène ses inspirations. Quant à ses deux partenaires d’affaires, Molly Superfine-Rivera qui est aussi sa femme, et Michel Lecoufle, il s’agit là encore de véritables routards des restaurants d’ici et d’ailleurs.
Le décor est chaleureux et intemporel. À la fois très vintage, avec ses longues banquettes capitonnées de cuir noir et ses murs délavés, mais en même temps résolument ancré dans l’aujourd’hui : on se croirait dans l’un de ces tableaux Pinterest inspirés de l’esthétique des branchissimes banlieues de New York.
Dans l’assiette, la vaste expérience de l’équipe se ressent par une maturité à servir, avec beaucoup de charisme, un menu qui sort des éternels sentiers battus. Plutôt d'influence française au niveau des techniques, les plats semblent réfléchis de manière indépendante et ne cherchent pas à s’inscrire à tout prix dans les tendances actuelles. Bien au contraire.
À elle seule, cette poêlée de champignons en sauce mérite le détour en contrée Petite-Italienne, que vous soyez sur le Plateau ou à Hochelag'. Servie avec un œuf coulant, le jaune se laisse suavement choir sur cette préparation déjà riche, déjà crémeuse, créant une harmonie des textures dans la continuité plus que le contraste. Ça marche. On a terminé ça sans gêne à grands coups de miche, jusqu’à la dernière goutte, dans un moment de plaisir intense.
Deuxième coup de cœur pour la tartine à la moelle, bourgots et vieux cheddar qui là encore joue sur des saveurs rondes et riches, mais surmontées cette fois d’une très pimpante salade de persil. Une combinaison originale, qui fait changement des os à moelle classiques qu’on sert partout en ce moment.
Finalement, j’aimerais souligner tout particulièrement le plat d’agneau – excusez ma photo qui ne lui rend pas justice – qu’on nous a servi en une bolognaise revisitée, doublée de délicieux morceaux de surlonge bien rosés, dodus et juteux. Tout ce beau monde était surmonté de spätzle, vous savez ces amusantes petites pâtes bouilles puis frites qu’on sert, en gros, là où l'on boit du Riesling et du Gewurztraminer. Succulent.
L’expérience Marconi se renouvèlera très certainement dans mon cas, et j’espère dans le vôtre. J’en profiterai pour goûter à l’un de ces cocktails qui semblent tous couler d’une fontaine du bonheur.
Restaurant Marconi
45, Avenue Mozart Ouest, Montréal
(514) 490-0777