Il fallait oser. Ouvrir un restaurant de poutines et de burgers « à la Gras Dur », avec toute la générosité et l’extravagance que l’on connaît chez les deux propriétaires allumés de ce resto et de quatre camions de restauration de rue (Das Food Truck, Bacon Truck, Burger Truck et Schnitzel Truck), dans l’imposant bâtiment du 1234 de la Montagne était vraiment audacieux. On hésite d’ailleurs encore un peu à l’entrée de ce nouvel établissement ouvert depuis à peine deux semaines, et dont la carte donnant sur la rue borde le long tapis rouge menant vers l’intérieur.
Toutefois, il faut connaître Stefan Jacob et Annie Clavette pour savoir que rien ne les arrête. Comment ces deux entrepreneurs ultradynamiques se sont-ils lancés dans cette nouvelle aventure? Tout est parti de MC Mario, qui avait réservé le nom de Vladimir Poutine depuis un moment, mais qui n’avait pas été séduit par les différentes chaînes de restauration prêtes à s’associer avec lui. Il est tombé sous le charme de ce lieu vacant, en a vu les possibilités et a été présenté aux propriétaires du Gras Dur, qui ont adoré l’approche de l’artiste. Cette union peu commune s’est finalement traduite dans un restaurant au concept éclaté, amusant et accessible aux antipodes de l’ancienne Queue de cheval qui occupait la bâtisse.
Crédit photo courtoisie
Ce qui nous frappe tout d’abord en allant au Vladimir Poutine, c’est la décoration. Une fois l’imposant tapis rouge de l’entrée passée, on longe en montant les marches patrimoniales une grande affiche montrant le politicien bien connu dominer une généreuse poutine. Le ton de la visite est donné : ici, il ne faut pas trop se prendre au sérieux. Une impression confirmée quelques pas plus loin, alors qu’on entre dans une salle aux allures de palais russe dominée par les couleurs de rouge. Tables élégantes et comptoir de bar rétroéclairé voisinent le Kremlin (rien de moins!) dans les fenêtres arrière, une peau de mammouth, le drapeau soviétique, des poupées russes et de nombreuses illustrations amusantes au mur. C’est surprenant, kitsch et résolument caricatural, on aime ça!
Si MC Mario s’est bien amusé avec la décoration du restaurant, les deux propriétaires du Gras Dur en ont fait autant avec le menu. Tous les plats qui y figurent ont tous un nom en lien avec un politicien de ce monde. Du côté des poutines, ce sont les dirigeants au tempérament, disons très fort (pour ne pas dire des autocrates ou des dictateurs) qui tiennent le haut du pavé, et on s’est amusé à parer chaque plat d’une petite touche en lien avec leur origine : betteraves pour la Vladimir poutine, porc nagano dans celle de Kim (devinez le reste du nom), homard dans celle de Fidel. Approche identique du côté des burgers, avec un Trump burger aussi énooorme que l’extravagance du principal intéressé, et un Khoméni burger flanqué d’une boulette de falafel.
Crédit photo courtoisie
Pour commencer ma dégustation du jour, j’ai opté pour un cocktail, dont la carte a été réalisée par la réputée mixologue Fanny Gauthier. Une belle sangria blanche, bien dosée, qui me permet de préparer mon foie à ce qui va s’ensuivre. Je débute mon repas avec une spécialité qui colle à Stefan Jacob depuis des années, à savoir des rouleaux nem de canard et de bleuets. La pâte, croustillante à souhait, renferme du canard et des bleuets frits sans que le gras ne domine les ingrédients, et la gastrique aux bleuets qui accompagne cette entrée est très séduisante. J’en saucerais presque le fond de l’assiette…
Suit un poke de thon teriyaki, assorti de fèves edamame, de nouilles de riz et de verdure. Un tout autre univers que celui du Gras Dur, mais ô combien réjouissant à l’approche de l’été ou pour les estomacs un peu plus sensibles. C’est un plat frais, aux saveurs et aux textures franches qui s’assortissent très bien.
Le gros du repas arrive ensuite avec la Vladimir poutine, que je ne pouvais évidemment pas rater. Constituée de frites maison, de viande fumée, de fromage en grains de la Laiterie Chalifoux, d’oignons croustillants, de confit de betterave, d’une sauce secrète à base de fond de veau à tomber par terre et d’une petite touche de vinaigrette russe froide, la généreuse et surprenante poutine est vraiment, vraiment très gourmande. Les betteraves confites amènent une petite touche de sucrosité et la vinaigrette, d’acidité qui complète parfaitement le gras et le moelleux des autres ingrédients du plat. Bon à s’en lécher les doigts et d’un excellent rapport qualité-prix (12 dollars).
N’écoutant que mon sens du devoir, je me laisse enfin séduire par le DeGaule burger : belle boulette de bœuf CAB, ragoût de champignons, fromage Oka en raclette, foie gras et deux grosses rondelles d’oignon dans un pain d’une légèreté surprenante réalisé spécialement pour le restaurant; le tout est servi avec un petit panier de frites. Fidèle à sa réputation, le chef propose ici un burger de qualité, jouant avec les textures et les saveurs … et très cochon, cela va sans dire. Il ne faut pas se demander combien de calories ce plat peut contenir, mais on a tant de plaisir qu’on en oublie ce petit détail.
Après un si gargantuesque festin, il m’est impossible de trouver une place pour le dessert. Toutefois, j’en profite pour apprendre de la bouche du propriétaire qu’en plus du restaurant lui-même (75 places assises intérieures et tout autant sur la terrasse à venir), le Vladimir Poutine sera aussi le traiteur associé aux événements ayant lieu dans le superbe club adjacent, et il va également proposer, avis aux carnivores, des dégustations spéciales de bœuf à différent stade de vieillissement. Une adresse testée, approuvée et adoptée!
Vladimir Poutine
1234 a, rue de la Montagne, Montréal
(514) 395-1111