Lorsque NIGHTLIFE.CA s'est rendu au Festival international du film de Toronto (TIFF) cet automne, on a rencontré un Zac Efron en pleine transition : adieu Disney, allô rôles risqués. Le jeune acteur était de passage dans la Ville Reine pour faire la promotion de deux films : At Any Price et The Paperboy. De loin le plus audacieux et excentrique des deux, The Paperboy, du réalisateur Lee Daniels (Precious), n’est certainement pas passé inaperçu sur le circuit festivalier. L’équipe a même eu droit à une ovation de 16 minutes lors de sa première à Cannes.
Haut : Matthew McConaughey et Zac Efron dans The Paperboy / Bas : Nicole Kidman dans The Paperboy
Démesure et perversion
Si Precious a divisé son public, certains le qualifiant de véritable chef-d’œuvre du cinéma black, d’autres n’y voyant que du gros mélodrame racoleur à la morale trop appuyée, tous s’entendront sur les excès les plus démesurés et pervers de Paperboy. Se déroulant dans la chaleur étouffante de la Floride en 1969, ce film noir décadent raconte l’histoire d’un journaliste du Miami Times (Matthew McConaughey) qui retourne dans son village natal, en quête d’un prix Pulitzer. Sa stratégie pour accéder à la gloire ? Relancer l’enquête bâclée d’un chasseur de crocodiles (John Cusack, effrayant) condamné à la peine de mort pour le meurtre d’un shérif.
Afin de l’aider à prouver l’innocence de l’homme, McConaughey recrute son petit frère (Efron), un beau gosse naïf qui passe une grande partie du film à se pavaner dans de petites bobettes blanches moulantes. Nicole Kidman vole quant à elle la vedette dans un rôle de Barbie nympho-trash cultivant un fort penchant pour les criminels. Ah oui, et la chanteuse Macy Gray interprète la bonne de la maison, tout en se chargeant de la narration du film en voix off.
Trashitude assumée
En somme, bayous du Sud infestés d’alligators, tensions sexuelles et raciales, atmosphère moite et marécageuse, atteinte à l’intégrité journalistique et j’en passe. Qu’on s’entende : la caméra à l’épaule brasse trop, les effets split-screen dérangent, le scénario-choc souffre d’un manque flagrant de cohérence et le résultat n’a rien de très profond… Mais il s’agit d’un vrai délire du cinéma camp, à voir pour apprécier l’ampleur d’une trashitude aussi assumée avec des acteurs A-list.
En entrevue à Toronto, Lee Daniels est lui aussi de l’avis que The Paperboy relève plus d’un cinéma d’atmosphère que d’un thriller bien ficelé. « Absolument !, déclare-il avec un trop-plein d’énergie. Il y a d’énormes trous dans le scénario ! Je savais que l’intrigue criminelle serait secondaire, car j’étais beaucoup plus fasciné par les personnages. »
Zac Efron et le réalisateur Lee Daniels au TIFF 2012
Zac Efron, objet de désir
Parmi les nombreuses scènes-chocs du film, notons le personnage de Kidman qui urine sur Zac Efron pour le soulager de piqûres de méduses et un moment de sexe assez troublant entrecoupé d’images de cochons et de crocodiles… Mais pour de nombreuses jeunes fans aux cris stridents, le moment marquant restera un Zac Efron aguichant en tighty whities. Avec sa feuille de route très proprette et inoffensive (High School Musical, 17 Again, Hairspray), il n’est pas surprenant que Zac ait longtemps hésité avant de franchir ce point de non-retour. « Certains moments auraient pu me rendre mal à l’aise, mais c’est aussi la raison pour laquelle j’ai embarqué dans le projet, nous dit-il lors d'une entrevue table ronde dans la suite d’un hôtel sans nom à quelques rues du TIFF Bell Lightbox. C’est exactement ce que je recherchais. Avec Lee, ça fait toujours un peu peur, honnêtement. Mais ce qui est bien, c’est qu’il n’a pas de ligne directrice qui oriente ce qu’il veut. Il le sait lorsqu’il le voit, ce moment de vérité. C’était une expérience pour le moins… inhabituelle.»
Fait intéressant à noter : Lee n’était aucunement convaincu que Zac ferait l’affaire. Mais au final, il n’a que des compliments à son égard. « Je suis très admiratif de son travail. Ils se font payer beaucoup de fric, ces jeunes, et lorsqu’ils arrivent dans mon carré de sable, sans argent, et que les gens les critiquent, ça m’enrage. Moi, je peux encaisser les coups sans problème. J’ai évité les coups de feu dans les projects [NDLR: quartiers défavorisés et souvent dangereux aux États-Unis]. J’ai évité l’emprise du SIDA. Mais je ne tolère pas qu’on critique mes acteurs lorsqu’ils se rendent si vulnérables et fragiles. »
Une critique très divisée
Cet accueil critique, justement, a été pour le moins divisé. Plusieurs n’y voient qu’un vulgaire film amateur trop peu divertissant pour en faire un incontournable du cinéma camp, comme l’ont été Showgirls, Rocky Horror Picture Show ou l'oeuvre entière de John Waters. Lorsqu’on demande à Zac ses impressions quant à l’accueil du film, on a droit à un certain malaise et une chambre d’hôtel soudainement trop tranquille. Après quelque temps, il se lance : « Ouais, en fait, c’est formidable. Lorsque nous étions à Cannes, nous avons vécu un moment inoubliable. J’apprécie vraiment que le film polarise autant: soit les gens comprennent et adorent, soit ils ne pensent qu’à rentrer chez eux se laver. C’est super comme ça. Je n’aurais pu imaginer un meilleur dénouement, parce que ça ne fait que prouver que c’est un film provocateur. »
On constate vite que Zac, d’emblée un gars sympathique et poli, s’en tient surtout à faire l’éloge de ses collaborateurs, évitant tout détour trop dangereux dans ses réponses. À propos des traits qu’il partage avec son personnage de Paperboy : « Jack cherche à s’émanciper, il a de grandes ambitions. Moi-même, je veux toujours plus. Dès tu ne veux plus, tu ne vis plus. D’avoir la chance d’être dans un film si exigeant en tant qu’acteur était quelque chose que je souhaitais faire. Le destin aura fait en sorte que le parcours soit aussi sombre, tordu et amusant que celui que m’a proposé Lee. »
Faire le point sur ces rumeurs…
C’était bien sûr à prévoir que Zac, interprétant ici un jeune mec en plein éveil sexuel, se ferait poser l’inévitable question des rumeurs qui planent à propos de son orientation sexuelle. Pourquoi ne jamais les avoir démenties, Zac ? « Il était insensé pour moi de les démentir, répond-il d’un ton sérieux. Cela voudrait dire qu’il existe une peur associée au fait d’être gai. Toute ma vie, j’ai travaillé au sein de la communauté gaie, j’ai grandi dans le milieu des comédies musicales et cela n’a jamais été noir ou blanc pour moi. Donc je ne saurais comment aborder la chose autrement… Je suis très reconnaissant de l’appui de la communauté gaie. Et je suis super emballé à l’idée qu’ils soient des fans aussi enthousiastes. »
Avant que le journaliste le plus fanboy de notre table ronde se fasse prendre en photo avec Zac (un très gros DON’T dans la déontologie journalistique), celui-ci met un terme à notre entrevue-éclair en souhaitant à Zac plusieurs autres films dans lesquels on pourra « l’admirer en petites culottes ». Zac, sans broncher, démontrant toute la finesse d’un pin-up boy gérant avec brio son énorme fan club d’adolescentes post-Disney, lui jette alors un regard charmeur. « Tordant, man. Je ferai de mon mieux. »
« Thank you, that’s a wrap, everyone », nous avise la relationniste, levant à peine les yeux de son Blackberry avant de disparaître dans l’obscurité de cet hôtel sans nom avec Efron, en route vers la prochaine chambre d’hôtel où il s’activera à faire fondre d’envie un(e) autre membre de la presse accréditée, appareil photo à l'appui… Voilà le train-train d’un tombeur de l'école Tiger Beat…jusqu’à ce que le suivant le détrône.
The Paperboy | Maintenant en salles