Il y a de ces moments qu’on ne risque pas d’oublier de sitôt. Pour un cinéphile ayant suivi de près le parcours d’un grand réalisateur – un homme qui privilégie des projets plus inusités, voire intimes, sans pour autant tourner le dos à un cinéma plus commercial, l’occasion de m’entretenir avec Gus Van Sant (Good Will Hunting, Milk, Last Days, Drugstore Cowboy) fut l’un des moments forts de ma couverture au TIFF cette année.
Depuis plus d’un quart de siècle, le réalisateur, scénariste, peintre et musicien se penche sur la réalité de jeunes marginaux, qu’ils soient désemparés, exclus, perdus ou contrariés. On se souviendra longtemps de My Own Private Idaho, son chef-d’œuvre d’inspiration Shakespearienne empreint de tendresse à propos de deux amis prostitués et vagabonds (Keanu Reeves et le regretté River Phoenix), qui prend rapidement des airs de road movie existentiel. Puis de To Die For, une critique acerbe du culte de la célébrité, avec Nicole Kidman en météorologue assassine complètement déroutante. Sans oublier l’impressionniste Elephant, un constat glauque et bouleversant, quoique d’une beauté et d’un rythme à couper le souffle, à propos d’une jeunesse parfois impénétrable.
Lors de mon entretien avec Van Sant, en prévision de la sortie de son nouveau long métrage, Restless, nous avons abordé sa préférence de faire appel à des acteurs non-professionnels ou encore à de jeunes talents qui en sont à leur tout débuts, la vision d’une masculinité plus fluide et ambiguë qu’il met de l’avant, et son affection pour les familles reconstituées, un thème qui traverse la quasi-totalité de son œuvre.
Mia Wasikowska et Henry Hopper dans «Restless»
La relève, selon Van Sant? Xavier Dolan.
Alors que nous discutions des nombreux projets de la relève que Van Sant encourage et endosse à titre de producteur exécutif (notamment Tarnation de Jonathan Caouette, Wild Tigers I Have Known de Cam Archer et What’s Wrong with Virginia de Dustin Lance Black), Van Sant a tenu à préciser que pour mieux comprendre cette nouvelle génération, c’est vers un gars comme Xavier Dolan qu’il faut se tourner.
«Je ne voudrais rien enlever à ces gars-là [Caouette, Archer et Black], car ils sont des artistes accomplis, qui ont touché une corde sensible avec leurs films. Mais ils sont tous dans leur trentaine, non? (rires)»
«Xavier Dolan est, selon moi, un excellent exemple d’un jeune cinéaste prometteur qu’on aurait tous intérêt à suivre. Je l’ai découvert au Festival du film de Stockholm, en Suède. J’ai tué ma mère est un superbe premier long métrage, quelque chose d’assez intime. Les amours imaginaires est plus «flashy», «poppy», et fait appel à un tas d’idées, dont ce désir d’obtenir l’inatteignable, de tomber pour quelqu’un hors de notre portée… et j’ai beaucoup aimé.»
Restless | sonyclassics.com/restless
Festival international du film de Toronto | Jusqu'au 18 septembre | tiff.net