L'une des raisons du succès des Montréalais de Suuns est le cachet éminemment surnaturel et fantastique de leur musique. Zeroes QC (2010), leur premier opus, a bien marqué la distance avec les tendances pop et rock en vigueur. Et Images Du Futur, leur petit nouveau qui sort ce mardi, renchérit. Au lieu de mélodies pop, on a les geignements maussades de Ben Shemie. Au lieu de riffs précis, on a les ambiances fiévreuses, presque confuses de Joseph Yarmusch (guitares et basse), de Max Henry (claviers et basse) et de Liam O'Neil (batterie). Le groupe est déjà passé maître dans l'art de briser les repères.
Mais même les rêves les plus enlevants puisent leurs racines dans la réalité. Joint au téléphone à quelques jours de la parution d'Images Du Futur, Joseph Yarmusch insiste sur l'impact réel qu'ont eu le printemps érable et le paysage urbain de Montréal sur les nouvelles chansons. «De vivre dans le monde "normal" donne juste envie de jouer de la musique, le soir venu, et de s'en aller ailleurs. Suuns est une forme de fuite pour nous aussi», observe celui qui est aussi photographe.
Lorsqu'il est rentré d'une année de tournée, au début 2012, le groupe a été confronté aux images de manifs. «C'était constamment dans les nouvelles. Et c'est précisément à ce moment que nous nous sommes mis à travailler le nouveau matériel. Ça n'a pu faire autrement que de s'infiltrer, relate Joseph. Pour ma part, j'ai travaillé à temps plein pendant un moment à Ville Saint-Laurent. Je passais beaucoup de temps dans ces bâtisses des années soixante, des blocs d'appartements assez merdiques, mais dont la laideur avait aussi quelque chose de très beau.»
Et chez Suuns, on transmute tout ça en Images Du Futur, parce que les images, c'est important. «On parle beaucoup de choses comme ça.»
On joue beaucoup, aussi. C'est ce qui fait que les idées de Ben deviennent éventuellement du Suuns. «Nos chansons ne sont pas vraiment basées sur une partition de piano ou de guitare. Les sons sont très importants. Toute l'ambiance en dépend, indique Joseph. La plupart des chansons sont très simples en termes d'accords et de structure. Tout est dans le traitement! C'est pour ça qu'on répète et qu'on réécrit constamment! C'est le traitement qui fait la chanson!»
Alors que la bande avait bénéficié de trois ans pour faire tout cela avant d'endisque Zeroes QC, elle a dû procéder en accéléré cette fois-ci. Sans trop de concerts pour roder le tout. Au final, une maigre année qui a souvent semblé s'éterniser. «Tant de versions différentes des chansons, répétées pendant des mois avant qu'on réalise que ça n'allait pas, qu'il fallait réarranger», relate le musicien.
Selon lui, le résultat est plus clair, plus léger et moins mystérieux. Moins représentatif du Suuns live, aussi, ce qui est une bonne chose à son avis. Mais les échos qu'il entend de part et d'autre lui signalent qu'Images Du Futur est plus noir encore que son prédécesseur.
Alors, Joseph donne sa langue au chat. «Quoi qu’on fasse, notre musique est perçue comme étant sombre. Personnellement, je n'ai pas cette vision, mais peut-être n'avons-nous pas le recul nécessaire pour le réaliser. On n'essaie pas consciemment de faire de la musique sombre. Peut-être que c'est ce qui arrive naturellement quand nous jouons ensemble.»
Images Du Futur: sortie le 5 mars sous étiquette Secret City
Suuns
4 avril | La Sala Rossa
4848, St-Laurent
avec Technical Kidman
facebook.com/suunsband