Je ne suis probablement pas le seul à avoir tout d’abord perçu Manu Militari comme un être timide, discret, réservé. «Au début, quand je suis sorti [avec Voix de fait, en 2006], je me méfiais des journalistes, des médias. Ce n’était pas mon monde.» En anglais, on dit «silent river runs deep»: le silence n’est pas niais, il est profond.
Quatre ans plus tard, le ruisseau Militari s’est gonflé, transformé en fleuve de prose, de rimes, de prises de position parfois crues, jamais irréfléchies et toujours pleinement assumées.
Faire partie de la très petite minorité d’artistes qui réussissent à vivre de leur art n’est certainement pas étranger à cette confiance qu’on découvre en entrevue. Les chiffres officiels de vente (autour de 8000 copies) placent Crime d’honneur comme une des plus grosses réussites de l’histoire du rap québécois. Et avec une vingtaine de spectacles programmés depuis décembre, un record pour lui, le rêve du kid de NDG se dessine.
«Au Québec, présentement, y’en a juste un qui vend plus que moi», avance le rappeur. D’ailleurs, Sir Pathétik, puisque c’est de lui qu’on parle, l’a talonné pendant toute sa tournée à travers la province: «Ce que les fans me disent tout le temps c’est ‘‘Heille le gros, pour moi le rap au Québec, c’est toi pis Pathétik’’. Une comparaison qui surprend – à commencer par le premier concerné – vu les mondes qui séparent leurs approches stylistiques.
Écris local, pense global
«J’écris de la poésie hyper urbaine, faque je suis jamais sûr que les gens des régions comprennent mes textes. Mon public, il est à Montréal.» Pourtant, hormis un lancement tronçonné pour la télé et les Francofolies, avec notamment une apparition remarquée au spectacle hommage aux 20 ans du rap québécois, les fans d’ici n’ont pas été saturés. «On va vraiment se gâter à Montréal. On a deux heures de show de prévu, et on va faire toutes les vieilles tounes de Voix de fait qu’on faisait jamais avant. Y va y avoir une couple d’a cappella de mon nouveau matériel, aussi. Tu vas voir, j’en ai vraiment des folles!»
«Ma préférée parle de la guerre d’Afghanistan, mais du point de vue d’un taliban.» Un style de narration qu’il perfectionne depuis le début de sa carrière. Mais comment s’y prend-il pour s’imprégner d’expériences aussi radicalement différentes de la sienne? «Je lis beaucoup. Par exemple, je relis Papillon ces temps-ci. Pis pour écrire, j’ai besoin d’être au milieu de l’action: je m’installe dans mon char, n’importe où, dans un stationnement, au coin d’une rue.» Surveillez vos coins de rue, un rappeur rôde!
Manu Militari
8 octobre | Le National
1220, Sainte-Catherine E.
www.manu-militari.com