Un escalier qui s’élève. De prime abord, c’est juste un escalier, mais sur chacune des marches on peut lire l’avertissement (ou est-ce la consigne?): Attention à la marche. Mind the step, Mind the step, Mind the step…
Autre œuvre, autre contexte : dans une pièce, la projection sur le mur d’un arbre gigantesque qui pourtant n’est qu’un bonzaï.
Née au Pakistan, ayant étudié à Londres, vivant et travaillant désormais dans ce wet dream d’artiste qu’est Berlin, Ceal Floyer aime autant s’amuser avec les objets qu’elle aime jouer sur les mots. Décortiquant leur signification et les couches multiples qui enveloppent chacun d’entre eux, elle nous entraîne là où l’on est convaincu qu’elle veut nous entraîner puis, brisant cette illusion, elle nous pousse à capter autre chose, plus loin, sans manquer de nous faire rigoler au passage. «L’important, ce n’est pas ce que l’on voit, mais bien comment on le voit», souligne-t-elle.
À cheval entre minimalisme et conceptualisme, celle qui a dit aussi que «l’art n’est qu’un cheval de Troie pour nos idées» affirme avoir choisi de travailler ces courants après avoir vu le Box with the Sound of its Own Making de Robert Morris (1961). «C’est une oeuvre délicieusement pléonastique, s’extasie-t-elle. Une boîte de bois tout ce qu’il y a de plus simple, dans laquelle Morris a placé un magnétophone qui retransmet un enregistrement de lui-même fabriquant ladite boîte. C’est à la fois libérateur, monotone, théâtral… magnifique.»
C’est drôle, mais…
Par ses œuvres, Ceal Floyer habite souvent un maximum d’espace avec un minimum d’éléments. Mais lequel, selon elle, en occupe ou plutôt, donne l’illusion d’en occuper le plus? Est-ce la lumière? Le bruit? La couleur? Son absence? «En fait, l’espace est aussi une construction mentale. Si un simple objet peut générer une pensée ou une réaction en chaîne d’idées, alors il peut suffire à meubler une pièce.»
C’est d’ailleurs avec un seul micro, et sa personne, qu’elle a rempli une salle du Symphony Hall de Birmingham en 2001. Durant la bien nommée Nail Biting Performance, elle s’est tout bonnement assise sur scène et, les haut-parleurs amplifiant le bruit, s’est mise à se ronger les ongles. «Je ne peux pas croire que j’ai réellement fait ça! Je savais qu’il y aurait un certain malaise, des gens qui se tortilleraient dans leur siège… mais ça valait la peine.»
Elle-même dit ressentir un certain malaise/mécontentement né du fait d’être une artiste. Mais imagine-t-elle ce que serait son travail si elle était parfaitement comblée? «Je pense que le mécontentement alimente toute chose. Tout comme le désir, l’envie et bien sûr l’amour. Dans la mesure où ces émotions ne te paralysent pas de douleur, ça va.»
Quand on mentionne pour conclure qu’en voyant, par exemple, son Monochrome Till Receipt (White) de 1999, on rit un bon coup avant de se demander s’il y a assez d’humour en art, elle réplique sans hésiter: «C’est simple. Dans le contexte artistique. Il. N’y. A. Absolument. Aucune. Trace. D’humour!»
Ceal Floyer
Du 16 février au 16 mai
DHC/ART | 451, St-Jean | dhc-art.org