Tous les gens que j’aime sont des critiques à temps partiel.
Quand on mange au resto, c’est obligé : on parle de bouffe tout le long du repas. On discute de l’ambiance, on goûte à tous les plats, et tout le monde retient son souffle au moment où les assiettes arrivent à table, le temps qu’on photographie tout ça.
En réglant la facture, on délibère souvent de l’article à paraître.
« Tu vas écrire quoi ? »
La plupart du temps, j’ai beaucoup de belles choses à dire des endroits que je visite. Et pour un critique, c’est bien plus agréable de parler de bonheurs que de déceptions. C’est vrai, loin de moi l’envie de me faire des ennemis, et si je pouvais ne parler seulement de ce que j’aime, ma vie serait plus simple. Mais la vérité, c’est que dans tous les métiers créatifs il n’y a pas seulement des chefs-d’œuvre et des génies, et que pour un Joe Beef, un PDC ou un Toqué!, il y a beaucoup, beaucoup de petits restos qui n’atteindront même pas l’âge adulte. En fait, 71% des nouveaux restaurants auront fermé leurs portes dans les 5 ans. Ouch.
Le tout nouveau Kesté !, qui vient d’ouvrir ses portes au coin des rues Fairmount et Jeanne-Mance, n’a pas fait l’unanimité auprès de moi et de mes « juges invités ».
D’abord, c’est un nouveau resto qui n’en est pas un. Les anciens clients du Voro reconnaîtront l’endroit, parce que presque rien n’a changé ! Le même décor, le même mobilier, les mêmes grandes étagères qui montent jusqu’au plafond de ce local magnifique qui a tant de potentiel, mais qui n’a jamais encore rencontré le designer qui saura véritablement le mettre en valeur. « On va changer le décor quand on va avoir plus d’argent » me répond l’un des copropriétaires, ce qui me semble un peu précipité. En cuisine, quand un plat manque de cuisson, on attend qu’il soit à point pour le servir. On aurait peut-être du faire pareil en salle.
Ensuite, le chef Gianluca Esposito, anciennement chez Cavalli, a choisi de servir une cuisine italienne, l’une des plus populaires, l’une des plus foisonnantes (et compétitives) de Montréal.
Il a bien réussi à plusieurs endroits, il faut le dire.
On aime par exemple l’idée de proposer une kyrielle de petites entrées à partager. Salade de betteraves jaunes, pamplemousse et miel épicé (photo en couverture), pieuvres braisées, polpette… Il y a largement de quoi s’amuser. La terrasse accueillera fabuleusement les grandes tablées festives, avec ses tables de pique-nique nappées de carreaux rouges et blancs et son éclairage de guirlandes lumineuses dignes d'un tableau Pinterest.
Les pâtes aux champignons sont délicieuses. Lors de mon passage, c’était clairement LE plat du menu. L’élasticité des pâtes était là, les saveurs boisées des champignons sauvages étaient parfaitement équilibrées, pas trop intenses, et le chef a résisté à la tentation d’y ajouter de l’huile de truffe, un ingrédient trop souvent utilisé avec excès et grossièreté. Très réussi. Pour les amateurs de champis, c’est un choix champion.
Et le service est adorable. Bien que tout ne soit pas encore tout à fait au point – il n’y avait pas encore de carte des vins par exemple, notre serveur a su nous accompagner avec beaucoup de gentillesse et faire de nos repas des moments agréables.
Bref, c’est loin d’être tout noir, mais il manque tout de même de cette gracieuse simplicité si emblématique de la cuisine italienne.
La simplicité qui oblige des ingrédients parfaits, pas des tomates pâteuses pour une salade Caprese ! Mamma Mia !
Bref, un resto qui selon moi, manque encore un peu de cuisson.
Ceci dit, tout le monde sait que les tomates sont meilleures à l’automne, on repassera voir si la sauce a mijoté.
Kesté !
275, rue Fairmount Ouest
514-509-1341
MAR – MER : 11h-22h
JEU – VEN : 11h-23h
SAM : 10h-23h
DIM : 10h-16h