Lavanderia: après la japonaise, la délicieuse cuisine argentine vue par le chef Antonio Park
Sophie GinouxOn ne le répétera jamais assez. Côtoyer plusieurs cultures dès son plus jeune âge permet de s’ouvrir au monde et de le réinventer. C’est ce qu’a vécu Antonio Park, d’origine coréenne et qui a passé les 15 premières années de sa vie en Argentine, au Paraguay et au Brésil. « On mangeait 100% coréen à la maison le soir, mais le jour, je me nourrissais comme tous les employés de notre entreprise d’asados, ces grillades typiquement argentines. » En voici d’ailleurs la preuve en photos, tirées de l’album de famille du chef.
Le père d'Antonio Park, en train de faire griller sur charbon de bois leur repas. Antonio le regarde faire juste à côté.
Crédit photo: famille Park
La mère d'Antonio Park dans la lavanderia familiale
Crédit photo: famille Park
L’entreprise en question était une lavanderia, ou buanderie en bon français. On s’y spécialisait dans le délavage des jeans pour de grandes marques internationales. Et Antonio Park y a vu le nom tout indiqué du restaurant qu’il voulait dédier à la cuisine argentine et à son enfance. Un pari presque surprenant pour ce chef étoile adulé des foodies et des stars de ce monde pour sa maîtrise de la cuisine japonaise. Mais on comprend rapidement pourquoi quand on le voit entouré de ses deux associés du restaurant Lavanderia, Takeshi et Paolo, anciens complices en cuisine au Park et symboles de cette double culture asiatique et sud-américaine dont a hérité Antonio Park.
Crédit photo: Sophie Ginoux
Le Lavanderia, situé à la porte adjacente du Park, en est une autre preuve. Mais le rapprochement s’arrête là, car le Lavanderia a sa propre personnalité. On le découvre immédiatement en rentrant dans le restaurant, ouvert depuis une petite semaine et qui est déjà bondé midi et soir. Il faut dire qu’être accueilli, par moins 20 degrés Celsius, dans une salle ressemblant à une terrasse ensoleillée d’Amérique latine, ça donne envie de faire une pause. Un effet incroyable assuré par des murs blancs démesurément hauts, de grandes fenêtres, des luminaires étudiés, ainsi que par l’effet rafraîchissant d’un imposant faux arbre planté au niveau du bar et de fils à linge qui accueillent de grandes illustrations de plantes d’un côté et le menu de l’autre. Chapeau à ce travail de design, qui sera en plus évolutif, puisque les épingles à linge qui tiennent les illustrations pourront, selon l’humeur du chef, tout aussi bien porter des maillots de football (soccer), des jeans produits par une lavanderia typique, ou encore des photos de la famille Park. « J’ai voulu ce resto à l’image des souvenirs que j’ai de mon enfance, explique le chef. C’est un endroit pour tous, avec une cuisine qui ne veut pas raffinée, mais faite avec du cœur. »
Et du cœur, la cuisine argentine n’en manque pas. Comme de la saveur et à des prix bien moins atmosphériques que ceux pratiqués au resto Park. Le menu, décliné sous la forme d’une table d’hôte les midis (entrée et plat) de 16 à 20$, et d’une carte plus large également accessible le soir, est constitué de quelques entrées, salades et harina (pâtisseries salées typiques comme des empanadas), ainsi que d’une douzaine d’asado (plats de grillades). Évidemment, on retrouve dans cette liste des propositions carnées comme du bœuf, du porc, de la volaille et des abats. Mais on y distingue aussi plusieurs choix de poisson et mollusques, de l’aveu du chef choisis parce qu’il les adore grillés. Et quelles grillades! J’ai dégusté un demi-poulet de Cornouailles (de la ferme des Voltigeurs, soulignons-le) à la peau délicate, croustillante et un brin épicée de paprika et de poivre, et à la chair ferme et juteuse. Présenté sans chichi, ce beau morceau de volaille était accompagné de trois sauces au choix : chimichurri, chimol (radis rouge) et chipotle.
Crédit photo Sophie Ginoux
Crédit photo Sophie Ginoux
Crédit photo Sophie Ginoux
D’autres propositions sont tout aussi intéressantes sur le menu, notamment celle du queso fundido, du fromage frais cuit avec du chorizo traditionnel ou vert. Les deux faits maison, comme d’ailleurs tout ce qui est servi au Lavanderia, du pain aux mélanges d’épices. C’est aussi cette attention aux détails, qui va jusqu’à l’importation d’Argentine du charbon utilisé en cuisine, qui distingue rapidement ceux qui mettent du cœur à l’ouvrage. Une valeur chère à Antonio Park, qui me confie : « Avant d’être un chef, je suis un cuisinier. Et depuis 24 ans, je suis là tous les soirs derrière les fourneaux. C’est essentiel pour moi, de travailler fort pour offrir le meilleur. » Et je pense qu’encore une fois, et en toute simplicité, il y est parvenu. Merci!
Lavanderia
374, rue Victoria, Montréal
514 303-4123