Lorsque Claude Chamberlan (co-fondateur du FNC et véritable mascotte du festival – oubliez la louve!) décrit son événement comme étant « le plus sexy des Amériques », l’heure du Festival du Nouveau Cinéma a bel et bien sonné! Pas besoin de vous rappeler que le FNC, qui en est à sa 42e mouture avec ses 273 films en provenance de 47 pays, est un incontournable pour quiconque s’intéresse au cinéma, point – qu’il soit belge ou roumain, éclaté ou sobre, inquiétant ou jouissif, de facture documentaire ou sous forme de film d’essai… bref, vous comprenez l’idée. Jusqu’au 20 octobre, vous êtes invités à découvrir une panoplie d’univers tantôt effrayants, tantôt envoûtants. Nous dressons ici une liste de 5 films qui sont à inscrire à l’agenda d’ici dimanche. Bon cinéma!
1. Die Welt
Un portrait sensible et éloquent de la jeunesse tunisienne de l’après-révolution, désillusionnée et aux prises avec une grave crise économique. Film hybride du cinéaste Alex Pitstra qui prend des airs de documentaire, Die Welt (« le monde » en allemand) nous présente Abdallah, un commis de club vidéo intelligent et polyglotte à Tunis qui n’a pas la langue dans sa poche mais qui peine toutefois à joindre les deux bouts. Il se voit confronté à des valeurs occidentales qui vont pourtant à l’encontre de ses principes, mais qui l’incitent à revoir sa propre identité…
15 oct. à 21h15 à l’Excentris / 17 oct. à 17h10 au Quartier Latin
2. Go in the Wilderness
Vous connaissez le mythe de Lilith, cette première compagne d’Adam (oui, oui : le « premier homme » en aurait fréquenté d’autres avant sa rencontre fatidique avec Ève)? Selon la Kabbale, ladite Lilith aurait choisi de se rebeller et de s’émanciper plutôt que de se soumettre au cadre qu’on lui imposait. Il fallait donc une cinéaste audacieuse de la trempe de la Montréalaise Elza Kephart (Graveyard Alive : A Zombie Nurse in Love) pour en faire une relecture surprenante, frôlant à la fois le fantastique et l’absurde. Une réinterprétation ambitieuse (impressionnante sur le plan formel) tapissée de Girl Power mythologique, qui voit une héroïne avant-gardiste traverser bon nombre d’épreuves au cours d’une quête existentielle pour faire sa place dans le Jardin d’Éden.
19 oct. à 15h au Pavillon Judith-Jasmin
3. Secondaire V
Le multiculturalisme dont on parle tant, celui qui distingue Montréal du reste de la province, celui dont plusieurs réalisateurs québécois déploraient sa quasi-absence de notre cinéma depuis quelques années, on le retrouve dans toute sa richesse et sa complexité dans ce fascinant documentaire. C’est le cinéaste Guillaume Sylvestre, dont on se souvient surtout pour son divertissant portrait d’un boys club culinaire montréalais (Durs à cuire), qui a suivi pendant un an une classe de finissants de l’école Paul-Gérin Lajoie à Outremont.
Ce qui frappe le plus au visionnement de Secondaire V, ce sont les débats enflammés auxquels se livrent ces jeunes, qui démolissent la caricature grossière selon laquelle ils constitueraient une cohorte indifférente et matérialiste, meublant leurs temps morts sur Facebook. Les échanges d’idées autour de l’immigration, de sexualité, du statut de la langue française et, bien sûr, du printemps érable qui secouait le Québec au moment du tournage témoignent d’une génération engagée – en quelque sorte, la génération des post-Bureau-Blouin, des post-Nadeau-Dubois – qui prépare son entrée en scène. Ça nous donne espoir que le passage à l’âge adulte sera d’autant plus prometteur.
17 oct. à 19h à l’Excentris
4. Teenage
Toujours sur le thème de l’adolescence, ce documentaire hors de l’ordinaire nous replonge à l’époque des Première et Deuxième Guerre Mondiale afin de démontrer que l’adolescence est un concept somme toute récent et que cette sempiternelle obsession pour une jeunesse libre et rebelle a d’abord vu le jour au front, où des générations entières d’adultes-en-devenir ont été sacrifiées par leurs aînés.
Le réalisateur Matt Wolf prend le livre Teenage : The Creation of Youth Culture 1875-1945 de l’auteur punk Jon Savage comme matière première, qu’il transforme ensuite en collage inventif, anachronique et hautement rebelle des nombreux mouvements adolescents (les Scouts, les adeptes du swing, même les Jeunesses hitlériennes) ayant éventuellement permis de reconnaître cette période charnière entre l’enfance et l’âge adulte. Avec ses superbes reconstitutions en Super-8, sa bande sonore post-punk, ses extraits de véritables journaux intimes d’ados des années 50, Jason Schwartzman en producteur exécutif et une narration assurée par Jena Malone, Ben Whishaw, Julia Hummer et Jessie Usher, Teenage est incontestablement plus révolutionnaire que la somme de ses parties.
19 oct. à 17h15 à l’Excentris
5. Interior. Leather Bar
Vous avez entièrement raison d’être sceptiques quant à cet énième projet conceptuel de l’artiste « underground-mainstream » par excellence, cette véritable machine à idées travaillant sans relâche pour se défaire de toute étiquette : l’omniprésent James Franco. L’année 2013 nous a démontré que l’étendue de son talent n’est pas encore en parfaite symbiose avec la hauteur de ses ambitions (deux échecs particulièrement cuisants qu'il a dû essuyer: As I Lay Dying et Child of God).
Mais Franco signe avec Interior. Leather Bar un projet méta conceptuel fort réussi, qui attaque de front notre malaise collectif à l’égard du corps masculin et de la sexualité (surtout gaie). En compagnie du co-réalisateur Travis Mathews, Interior. Leather Bar recrée l’univers du film Cruising (1980), qui mettait en vedette Al Pacino dans le rôle d’un détective s’infiltrant dans des boîtes S&M gaies du New York de l’époque. Le projet de Franco et Mathews imagine et reconstitue les 40 minutes de Cruising qui auraient supposément été coupées au montage. Dans un des moments phares de ce docu savamment manipulé, Franco demande à son collègue pourquoi la proposition de voir deux hommes baiser à l'écran devrait le répugner, alors qu’il perçoit plutôt le sexe comme un moment de célébration, et surtout comme outil narratif au potentiel inexploré. Son ami, visiblement inquiet à l'idée d'en savoir davantage à propos de la philosophie Francoienne, reste discret. Franco, pour sa part, réussit son pari.
15 oct. à 21h à l’Excentris / 20 oct. à 18h30 au Cinéma du Parc
Le Festival du nouveau cinéma se poursuit jusqu’au 20 octobre.