Bien qu’un premier album intitulé Beware of the Maniacs soit paru en 2006, c’est véritablement en 2008, avec la parution de Visiter, que les Dodos sont devenus incontournables.
La formation originaire de San Francisco a construit son nid quelque part entre la pop expérimentale d’Animal Collective, le folk décloisonné d’Akron/Family et des harmonies vocales évoquant Fleet Foxes. Aussi, de nombreux critiques leur avaient réservé une place dans leur palmarès de fin d’année.
Un an plus tard, les Californiens sont déjà de retour plus tôt qu’ils ne l’auraient cru d’ailleurs: «Time to Die devait paraître le 15 septembre, mais il y a eu une fuite, signale le sympathique Meric Long (chant, guitares, compos et textes). On a alors décidé de faire pareil, c’est-à-dire de mettre l’album en streaming sur Internet, pour que les gens puissent le découvrir dans la version et l’alignement de chansons prévus, et dans un format de qualité supérieure. La copie physique est sortie en septembre, comme prévu.»
OEil pour oeil, dent pour dent. C’est peut-être la meilleure façon de composer avec cet irritant après tout. «Pour être franc, on était surtout bien contents de voir que des gens avaient envie à ce point d’entendre l’album! Ça m’a presque rassuré.»
Les petites morts
La période qui a suivi la tournée pour l’album Visiter s’est avérée plus difficile à traverser que prévu, délicate. «Avant, j’étais cuistot dans un restaurant. D’un point de vue financier, c’est l’album qui nous a libérés. Je suis vraiment reconnaissant et heureux d’avoir pu voyager un peu partout dans le monde. Mais lorsque je me suis retrouvé seul, à la maison, de retour à mes affaires après une aussi longue tournée, je me suis senti en panne d’inspiration. L’enjeu réel pour moi, à ce moment-là, a été de réussir à renouer avec l’excitation liée à la création.»
Les textes de Time to Die reflètent ce moment trouble d’après-climax. «Je me suis inspiré des changements qu’a traversés le band, avec le souci que l’auditeur puisse s’identifier à mes histoires, donc en élargissant. Il m’a fallu émerger de cette phase cafardeuse. J’ai été très déçu par certaines de mes découvertes: à quel point tu deviens une machine à performer, par exemple. Mon rapport à la musique, ce n’était pas ça avant. Ça finit par t’assécher l’âme et te vider de ton énergie Une intense période d’adaptation pour moi», confie Meric.
Coiffé d’un titre frappant, Time to Die est pourtant un album apaisant, harmonieux et inspiré Pourquoi l’avoir ainsi nommé? «C’est un petit mantra personnel, quelque chose que je me dis pour me donner du courage quand je suis stressé ou angoissé, avant de monter sur scène. Comme j’étais très préoccupé, le titre s’est imposé de lui-même.»
L’album réitère ce qu’on connaît du son des Dodos: une base de folk intemporel infusée d’énergie rock malgré la prédominance d’instruments acoustiques; le désir de conjuguer pop et expérimentations; des rythmes syncopés tenus par Logan Kroeber, l’autre membre fondateur et grand fan de metal; le fingerpicking country-blues si particulier de Meric; ses mélodies limpides et harmonieuses; beaucoup de souffle et des dynamiques de chansons virevoltantes, qui ne versent jamais dans la facilité.
Cependant, l’album paraît moins sauvage et débridé que Visiter et quelque chose s’est passé au niveau des voix: Meric prend son pied à chanter, évoquant au passage le plaisir qu’ont Robin Pecknold des Fleet Foxes et James Mercer au micro des Shins. «Effectivement, c’est un aspect qui a évolué pour le mieux. Je me perçois d’abord comme un guitariste. J’ai des mélodies en tête et j’ai envie de les entendre: c’est ce qui m’amène à chanter. Avant, je n’avais jamais vraiment travaillé sur ma voix, mais pour Time to Die, c’était important pour moi de m’y attarder, et j’ai trouvé une façon de m’accomplir là-dedans.»
Réincarnation
Départ de leur ancien ami-manager, ajout d’un membre, adaptation à un nouveau rythme de vie On ne parle pas d’une métamorphose extrême, mais il y a eu des changements au sein du groupe. L’approche a changé, selon Meric.
L’avantage, avec les périodes de grands bouleversements, c’est qu’on en apprend beaucoup sur soi. «Ça peut sembler quétaine à dire, mais Logan et moi, on a découvert que ce qui vient en premier, c’est notre passion pour la musique. On voulait se mettre au défi et les chansons ont été ardues à composer, plus techniques. On a tenté de rendre les choses plus musicales et spacieuses au lieu de se contenter de foncer dans le tas. C’est vraiment important pour nous de continuer à étendre notre connaissance de la musique. J’envisage même de m’inscrire dans un conservatoire; je n’aurais jamais dit une telle chose il y a deux ans. Après la tournée, j’ai compris que le fait qu’on mette la musique sur un piédestal, au-dessus de tout le reste, eh bien c’est ce qui unit les membres des Dodos et ce qui nous permet d’avancer.»
Parlant de membre, un nouveau venu a fait son entrée: Keaton Snyder, 21 ans, fan fini de Led Zeppelin et virtuose du vibraphone. «Avec le désir de se diriger vers quelque chose de plus musical est venue la nécessité d’intégrer un nouveau membre. On a trouvé une façon d’électrifier son vibraphone, alors on arrive à en modifier le son et ça peut sonner comme une guitare avec de la distorsion, ou comme plein d’autres instruments, en conservant toujours le côté organique si cher aux Dodos. Le vibraphone a la qualité d’être un instrument à la fois mélodique et percussif. Frapper sur les choses, marquer le rythme c’est un peu de ça dont il est question dans notre groupe.»
16 octobre | Sala Rossa
4848, St-Laurent
avec The Ruby Suns
dodosmusic.net