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Radio Radio: la télé à la radio

Pas facile de vraiment se faire entendre quand on s’exprime différemment. Deux ans après Cliché hot, les rappeurs de Radio Radio se félicitent d’avoir imposé leur français acadien (il ne faut plus dire «chiac»), mais réalisent bien qu’avec leur premier album, ils ont surtout laissé derrière eux une suite de slogans accrocheurs et d’expressions colorées, sans nécessairement réussir à se faire comprendre. Mais c’est OK. Au fond, il n’y avait pas grand-chose de plus à saisir. L’heure était au party, à l’hyperactivité, pas à la dentelle, ni aux messages profonds.

Maintenant, par contre, serait un bon moment pour porter attention aux mots derrière l’accent. Sur Belmundo Regal, second chapitre fraîchement achevé, Radio Radio a encore l’esprit à la fête mais la touche plus poétique, éclatée. Les gars ont une approche unique du rap et on la sent étalée plus clairement.

So, NIGHTLIFE s’est cargué dans sa chaise avec ces boys-icitte pour jaser, jaser, jaser de tout cela, ainsi que des événements survenus depuis deux ans: le départ du bigleux Timo, à l’été 2009; la relocalisation de Jacques «Jacobus» Alphonse Doucet à Hawkesbury, Ontario; celle d’Alexandre «LX» Arthur Bilodeau et de Gabriel «TX» Louis Bernard Malenfant à Montréal, la rencontre d’un mystérieux personnage nommé Belmundo ainsi que l’émigration virtuelle de Radio Radio vers… Atlantis et Nauru!

Atlantis et Nauru?

Jacques: C’est rare que t’as le choix de où qu’t’es né. L’hôpital que t’es délivré dedans, t’as rarement le choix. Ma, si on aurait le choix, ça s’rait ces deux places-là. J’sais pas comment qu’est le health care à Nauru, ma, j’veux dire, c’est une place intéressante!

Alexandre: Avant, avec Timo, on était deux du Nouveau- Brunswick pis deux de Nouvelle-Écosse. Maintenant, la Nouvelle-Écosse a pris l’top sur le Nouveau- Brunswick. On veut pas faire une guerre des provinces, so on dit: «groupe de l’Acadie».

Gabriel: Basically, on a découvert les racines du nouveau Atlantis par chez nous. So, dans le monde mythique, on vient d’Atlantis.

Est-ce que votre changement d’environnement a affecté votre musique?
J: Ben, la musique, c’t’un mix de toutte c’qui t’entoure. Quand t’es à Montréal, t’as des Français, des Anglais, t’as d’autres Acadiens qui sont ici, so t’as plus de mélange. T’as un vocabulaire un peu plus grand. Mais la base du nouvel album a encore été enregistrée en Nouvelle-Écosse. So, la base de c’qu’on crée est encore pareille.

G: Y’a une affaire qui m’influence depuis que j’suis à Montréal: c’est la nourriture! On peut développer une lifestyle à Montréal qui t’permet de prendre ton temps d’manger. La bouffe a voyagé. J’pense que l’album Belmundo, c’est prendre le temps de manger.

A: Prendre le thé, c’t’important!

G: Pis on aime le pamplemousse! À tous les matins! (ndlr: Alexandre et Gabriel sont colocs)

A: Autant ironique que c’est, c’est comme: le premier album, c’tait la ville, pis c’t’album-icitte, c’est la mer! So, parce qu’on était à la mer, on chantait about la ville, pis là qu’on est en ville, on chante about la mer!

J: Tu veux tout l’temps ça qu’t’as pas. En campagne, tu veux la ville; en ville, tu veux la campagne. Pis quand t’es à Hawkesbury, tu manques toutte! (rires)

Quel bilan faites-vous de l’épisode Cliché hot?
A: Ben, Cliché hot, c’était ton gros party, ta débauche solide, pis là, c’est comme: t’as rencontré plein d’amis, après ça, tu veux passer des soirées avec eux. Tsé j’veux dire? P’têt’ ben qu’on est plus là. Pis là, la prochaine étape, c’est qu’on va aller à l’église. On va avoir fait tellement de fautes avec les amis qu’il va falloir se faire pardonner… (rires)

J: Ça nous a permis de voyager un peu partout, de rencontrer plein de personnes… C’était un peu l’étape de vendre l’image. J’pense qu’on a maturé par rapport à c’t’album-là. On sait un peu plus qu’est-ce qu’on veut faire.

G: On n’avait pas d’auditoire, on n’avait personne qui nous écoutait, mais on avait une grosse boule d’énergie, faque ça a fait: «pop-pop-pop-pop-pop»! Ça avait besoin de sortir comme ça! Ma, tu peux pas continuer toujours de même… J’crois qu’à mesure t’avances, t’évolues ta feeling par rapport à toutte ça qui t’entoure. Avant, on avait besoin de crier pour se faire entendre. Aujourd’hui, on peut avoir des conversations.

A: Avec la premier album, on était tellement dans l’esprit A.D.D., overaccelerated, vite-vite-vite, que c’était comme juste des slogans, des dictons: «Cliché hot! Cliché hot! Jacuzzi! Jacuzzi! […] Maintenant, c’est moins: «Toum! Toum! Toum! Toum!» Le langage est encore plus régional acadien, on a encore moins fait l’effort de se faire comprendre. On a beaucoup plus joué sur le feeling des mots.

G: Cliché hot, c’était comme une note à la menthe. C’était comme: «Le feu est pris! Tchenez-vous!» Y’avait un buzz, comme dans les néons: «Iiiiinnnn!» Mais le next album, c’est comme: «Le feu est pas pris; on est deboutte!»

Qu’est-ce qu’on écoute, quand on est un jeune Acadien qui s’intéresse au rap francophone? Ici, pas mal tout le monde est passé par IAM ou Sans Pression. Est-ce que c’était pareil chez vous?
J: Je savais pas c’était qui, Sans Pression, Loco Locass, IAM, allez-y… J’écoutais la musique des États-Unis. Côte est, surtout. Côte ouest, j’aimais pas tant que ça. So je prenais le style du east coast pis je l’faisais en acadien. Pis là, plus tard, tu connais d’autres groupes, mais en même temps, on dirait que c’est pas ça qu’tu veux entendre. C’était comme: «j’veux mon Wu-Tang, j’veux pas mon Sans Pression». Pas qu’c’est pas bon, mais c’est pas ça j’voulais entendre! Dans mon écriture, dans la façon de sortir les textes, je vais me baser sur la méthode anglaise.

A: J’ai toujours aimé la flow du gars de Technotronic! J’aime encore ça! Y’a juste une chanson d’eux qu’a vraiment sorti, but c’t’incroyable! J’ai écouté un peu de rap, j’ai écouté beaucoup de techno – Derrick May, des affaires de même –, mais quand j’ai entendu Technotronic, j’étais comme: «ayoye»!

G: On parle toujours de l’inspiration musicale, mais à la longue, c’est p’tit par rapport à l’inspiration de toutte, basically! C’est comme dans «Dekshoo»: j’pense à un deck shoe pis y’a tout un monde qui s’ouvre! La musique, c’est comme un p’tit corps, un p’tit clin d’oeil, une p’tite direction par rapport à un gros mouvement! Faut j’trouve le feu! C’est ça qui est le fun à Montréal… La musique est nombreuse, but y’a aussi une sorte de vibe!

J: Les one-liners, tu peux aussi les prendre dans des films. On regarde plein de films, des téléséries… Chu accro après ça. J’ai rien à faire à Hawkesbury sauf regarder la télé. J’ai pas encore fait mes taxes de l’an dernier parce que je regarde trop de télé. […] À part ça, j’aime ben du country. J’aime beaucoup la talk radio. J’aime le discours, les textes. Le audio que tu peux avoir avec les e-books… J’ai commencé à télécharger ça pour faire la route entre Montréal et Hawkesbury.

G: Moi, j’ai écouté beaucoup de folk, c’t’hiver. Devendra Banhart, Grizzly Bear, Portugal the Man… Je jouais de la guitare quand j’étais jeune, faque j’ai été comme back un peu là-dedans. Pis, obviously, j’ai écouté Kid Cudi. Alex a trouvé une collection incroyable d’enregistrements du Smithsonian, aussi, avec des chants, du vieux vieux blues… Du rootsy stuff, là!

A: C’qui est intéressant, dans cette musique-là, qui est plus field recording-style, c’est le rythme. Aujourd’hui, on est tellement stuck dans les drum machines… So, si tu peux disconnecter dans des rythmes qui sont plus loose… J’pense tu vas plus entendre ça sur le troisième album.

J: Éventuellement, ça va se diriger vers ça: quelque chose de flyé, fucké, abstrait…

G: Cliché hot, c’tait comme un sports car, c’t’album-icitte, c’t’un sailboat, mais le troisième, c’est la lévitation…

A: Le premier album, c’t’un pitbull. Le deuxième album, c’t’un tigre blanc – c’est comme félin mais c’est masculin en même temps. Le troisième album, ça va être un unicorn!

D’où viennent toutes ces analogies?
A: C’est quelqu’un qui nous a fait voir la vie de cette façon-là. On l’a rencontré par chance à Lunenburg, près d’Oak Island, en Nouvelle-Écosse, sur le chemin vers la Baie des Chaleurs, pour aller recorder l’album. On avait plein d’idées, but en même temps, on avait comme un conflit de personnages. Pis là, on a rencontré Belmundo. Le guy, c’est pas son vrai nom, mais c’est ça qu’on a su l’nommer. C’t’un homme de l’Argentine qui a vécu beaucoup de choses, but he parlait toujours en analogies. Il nous a dit: «L’analogie, c’est meilleur qu’une réponse, parce que c’est la seule façon que tu peux rendre tout le monde content.»

G: Basically, notre esprit se promenait ça faisait un an, pis on a rencontré c’te gars-ici qui fait du sens, qui nous parle d’la mer, de l’histoire, du passé, toutes sortes de choses….

A: C’t’un grand fan de musique. C’est lui qui nous a parlé du Smithsonian pis des field recordings. […] Pis c’est lui, aussi, qui nous a parlé de l’affaire d’Atlantis. Il nous a parlé des premiers colons qui sont arrivés icitte, pis du livre de Sir Francis Bacon, New Atlantis, qui parlait d’une société basée sur les valeurs admissibles; c’était un peu la vision pour les Amériques. Un des premiers contacts en Amérique, c’est arrivé dans c’te région-là d’la Nouvelle-Écosse. Oak Island a beaucoup de trésors cachés qui sont liés à des personnages de l’histoire. Y’a même des liens possibles avec les Égyptiens, selon Belmundo! […] On y a parlé pendant une journée, pis j’pense qu’il nous a donné plus de questions que de réponses. But c’est ça la beauté…

J: Ça a aidé à créer l’album au niveau de penser un peu outside of the box, questionner des affaires.

Qu’est-ce qui est arrivé avec Timo?
J: On a toutte des interprétations différentes, ma dans ma tête, ça reste un de mes amis. Je sais pas pour la band. On se parle pas nécessairement autant, on n’est pas aussi proches qu’on était. Il a décidé d’être un family man. Y’est encore au New Brunswick. Il pouvait pas être sur la route comme qu’il voulait être ou comme qu’il aurait dû être pour le groupe. Il travaille, y’est content là-bas, il a une motocyclette… On le respecte pis on l’encourage dans sa vie. Pour moi, y’a no hard feelings. On a bâti quelque chose ensemble. On aurait voulu être encore ensemble, mais quand quelqu’un quitte pour des raisons familiales, faut qu’tu respectes ça.

G: Y’avait des insécurités, au début, avant de commencer à créer en tant que trois individus, but les insécurités sont parties. L’essence est encore là. Quand c’qu’on a recordé, on se sentait vraiment at home. J’me sentais comme intimement lié avec ces boys-icitte.

Sur l’album, il y a des moments très étranges, comme «Saint-Petersbourg», et des moments très cheesy, comme «Kenny G Non-Stop». Avez-vous de la difficulté, des fois, à faire co-habiter les deux facettes?

A: Pas vraiment. J’pense que si c’était juste l’un ou juste l’autre, ça marcherait pas. Si c’était juste «Kenny G Non-Stop» pendant toutte l’album, ça s’rait trop Technotronic. Ma là, si c’t’ait juste «Saint-Petersbourg», ça s’rait trop sombre. On a essayé d’le faire genre le battle between good and evil, acotté sur un bateau, avec des trompettes pis Belmundo!

La soirée de lancement de l’album Belmundo Regal de Radio Radio est présentée par NIGHTLIFE Magazine en collaboration avec Coors Light.

4 mars 2010 | Cabaret du Musée Juste pour Rire

photographies
SPG LePigeon
assisté de
William Mazzoleni
studiospg.com

mise en beauté
Jennifer Dionne

stylisme et set designer
Sarah Hall-K

co-production
La Famiglia

remerciements
Marie-Rose & Rocco Del Duchetto
OldGold | oldgoldboutique.com

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