
On dit souvent que la vraie bonne chanson est celle qui opère avec la même force lorsque jouée à la seule guitare acoustique. Si c’est le cas, alors le répertoire de trio new-yorkais Yeasayer manque encore beaucoup de morceaux du genre.
Comme plusieurs, j’ai été relativement séduit par Odd Blood, son plus récent album. Ses penchants jam band y sont agréablement appuyés d’arrangements synth-pop fouillés, d’envolées ambiantes, de revirements mélodiques inattendus… Une bien belle fresque en comparaison avec l’éparpillé All-Hour Cymbals, de 2007, et ses odeurs de patchouli.
Sur scène, dimanche au National, le trio ne pouvait cependant pas compter sur cette quatrième dimension propre aux enregistrements: les effets sonores, les couches additionnelles d’instruments, la calibration sonore minutieuse… Sur scène, ses chansons sont réduites à leur plus simple expression, en dépit de la présence de deux musiciens supplémentaires (à la batterie ainsi qu’aux claviers et percussions).
Que reste-t-il? Beaucoup d’exercices de style forts en gueule, beaucoup d’apprêts, de maniérisme: des moments instrumentaux rembourrés d’envolées percussives, du lyrisme vocal en masse de la part du chanteur Chris Keating et du guitariste Anand Wilder (qui devient frontman sur plusieurs morceaux), des échanges de lignes de synthé (chaque musicien en a au moins un à sa disposition)… On constate que le bassiste Ira Wolf Tuton est à l’origine de plusieurs solos de ce qu’on croyait être du synthé – c’est sa basse (probablement branchée dans un quelconque échantillonneur) qui produit le solo à la fin d’Ambling Alp. À l’arrière se trouve également un décor lumineux simple, mais efficace.
Et puis après? Peu de moments concluants, peu de moments où l’on sent que la sauce prend vraiment.
Il faut attendre les gros canons d’Odd Blood pour que le concert lève vraiment: la «neworderesque» O.N.E. et son refrain entraînant, l’épique Madder Red (qu’on croirait sortie de la trame sonore d’Avatar), la ballade fragile I Remember et, évidemment, Ambling Alp (servie en conclusion). Autrement, la mécanique Yeasayer tourne souvent à vide. Les composantes fonctionnent, la palette de couleur est vaste, mais le répertoire censé tenir le tout ensemble est généralement faible.
Il a toutefois paru plaire à l’assemblée, qui a rempli le National et s’est montrée généralement enthousiaste. Mis à part quelques têtes boudinées, on se serait cru au congrès d’un certain groupe Facebook. Il me semble même avoir aperçu le type sur la photo!
Je n’ai hélas attrapé que quelques minutes de Sleigh Bells, des protégés de M.I.A., signés sur son label N.E.E.T. Music, qui assuraient la première partie. C’était trop peu pour me faire une idée valable, mais assez pour constater que pour un si petit ensemble, le duo (composé d’une chanteuse et d’un guitariste accompagnés de séquences) joue FORT.