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FME 2010: la grande séduction

On en perd et on en gagne au Festival de musique émergente d’Abitibi-Témiscamingue. Bilan de cette huitième édition, qui se déroulait du 2 au 5 septembre à Rouyn-Noranda: un rhume en plus (froid de canard abitibien oblige… Là-bas, c’était déjà le mois de novembre), plusieurs heures de sommeil et sans doute quelques onces de dignité en moins, mais surtout, le lot habituel de bons concerts dans une ambiance dépaysante, souvent agréablement en phase avec l’univers des invités.

Pas tout le monde n’est parvenu à tirer son épingle du jeu. Gigi French a manqué son coup en se présentant éméchée à son concert en première partie de Howe Gelb. Les Besnard Lakes ont opéré avec leur force habituelle (quoique la réaction du guitariste Richard White à des problèmes techniques somme toute mineurs était des plus discutables… On ne quitte pas la scène pour si peu!), mais le public rouynorandien n’a pas semblé apprécier, désertant la salle pour ne laisser, à la fin, que quelques irréductibles.

La gang du Piknic electronik «édition mobile» (Lunice, NROTB, The Gulf Stream et Kressel) a dû se contenter d’un maigre public en raison de la mauvaise température et on se questionne sur la pertinence d’avoir fait venir de si loin des invités plutôt quelconques, comme le groupe de rockabilly argentin The Broken Toys ou le DJ techno français Oxia

Concept gagnant
Mais comme à chaque année, le concept de transplanter une bonne partie de la scène montréalaise ainsi qu’une belle brochette d’invités internationaux dans une petite ville de région reculée a donné lieu à bien plus de moments forts que faibles. La réaction du public local mise à part, ces mêmes Besnard Lakes ont trouvé, dans l’ancienne église transformée en salle de concert qu’est l’Agora des arts, un décor solennel ainsi qu’une acoustique spacieuse sur mesure pour leur rock psychédélique teinté de shoegaze. Idem pour l’Arizonien Howe Gelb, qui a livré dans la même salle un assortiment des plus spontanés de vieilles et de nouvelles pièces, tirées de son catalogue solo comme de celui de son projet plus connu, Giant Sand. Seul à la guitare acoustique, il improvisait à qui mieux mieux, tant dans le choix du répertoire que les arrangements, résultant en un tête-à-tête vivant et léger avec ses fans, en plein contraste avec la noirceur de ses chansons et de sa voix.

Je retiens aussi le passage des Torontois des Sadies à la Forteresse, un bar de région tout ce qu’il y a de plus typique, aussi mal adapté pour un concert achalandé qu’idéal pour ce rock roots teinté de country. C’était l’occasion de découvrir sur scène les pièces de Darker Circles, le plus récent album des Sadies et probablement leur meilleur.

Dans un genre similaire, le jeune quatuor montréalais Les Revenants a épaté, lors de son lancement de EP au Cabaret de la dernière chance, avec ses guitares baignées de reverb, dans un croisement de country et de rockabilly habile et mûr. Le groupe possède son sujet sur le bout de ses doigts et revendique des compositions diablement efficaces.

We are Wolves (en photo) et Misteur Valaire, égaux à eux-mêmes, remportent la palme des concerts les plus dansants. Le quintette post-rock Bateau noir, qui était en première partie des Besnard Lakes, celle de la meilleure prestation instrumentale (on l’a mieux reçu que la tête d’affiche). La Patère rose, qui a fait hululer son public comme des Indiens et fait déborder le bar du Groove jusqu’à garder des fans sur le trottoir à l’extérieur, à la pluie battante, celle du concert le plus le fun. Fred Fortin (qui a donné un set très old-school, truffé de jams et solos) et les Melvins (qui possèdent maintenant un deuxième batteur) se partagent celle des assauts rock les plus cinglants.

Tripots trash
Aucun FME n’est complet sans ces soirées improvisées dans les tripots trash de Rouyn. On est encore retourné, comme l’an dernier, chanter et danser avec le duo l’Éclipse et ses reprises kitchissimes des hits québécois top-40 au bar des Chums, devant l’air médusé des habitués de l’endroit. Et le dimanche, on a terminé tout ça avec un karaoké dans un esprit très semblable à La Forteresse, lors duquel Bernard Adamus, La Patère rose et Pierre Lapointe ont démontré leur affection pour le répertoire de Plume, France d’Amour et Corbeau, entre autres.

Le genre de week-end qu’on hésite à résumer en une seule phrase lorsque vient le temps de conclure un texte comme celui-ci. Le survol parle de lui-même. On ne peut que dire: «à l’année prochaine, Rouyn!» et recommander aux curieux qui voudraient vivre l’expérience de s’y prendre tôt pour planifier leur périple. Car le FME est maintenant un festival pratiquement «sold out», où chaque événement ou presque est plein à craquer! Ce qui ne remet pas en question l’intimité des concerts, puisque les salles demeurent petites.

Ça vaut la peine de se mettre à son clavier dès juillet prochain, lorsque sera annoncée la programmation de l’édition 2011.

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