C’est dur d’en vouloir à M.I.A. La créativité lui sort de partout, elle fait de bons albums, elle sait s’entourer… De la dance, certes, mais de la dance intelligente, engageante, explosive. Du coup, même après un concert douteux comme celui qu’elle a livré au Métropolis, au printemps 2008 (le son était déplorable et elle faussait à qui mieux mieux), on lui a tout pardonné. On a accueilli son petit dernier, ///Y/, à bras ouverts, et on a réservé notre soirée du 21 septembre pour aller la saluer de nouveau, au même Métropolis.
Après tout, les choses ne peuvent aller qu’en s’améliorant… Avec tous les albums qu’elle vend, les moyens à sa disposition et les adjuvants à son côté, son concert ne peut que devenir meilleur avec le temps, pas vrai?
Si ça se trouve, sa prestation de mardi était pire encore que celle d’il y a deux ans. Pire que celle donnée au festival Osheaga, l’année d’avant. Une impression évidemment nourrie par ce refus obstiné de polir l’affaire, de combler ses lacunes… Elle exaspère à ainsi plafonner.
Encore une fois, elle a assuré une présence forte malgré sa petite carrure. Elle s’est bien trémoussée. Elle a détonné avec son costume de Bédouin, son one-piece rayé et ses trois choristes voilées. Encore une fois, elle était bien entourée: une hypewoman efficace (Cherry, du duo britannique De Tropix) et surtout, une poignée de b-boys vraiment habiles, plutôt originaux dans le genre. Est-ce un hasard que le plus éclatant, le plus talentueux d’entre eux soit un rouquin? Sûrement pas.
Un répertoire bien choisi, constitué de parts égales d’extraits de ses trois albums. Quelques omissions surprenantes (son dernier single, «XXXO», ou la plus ancienne «Pull up the People»), quelques inclusions tout aussi étonnantes («Teqkilla»)… Sauf que quand la bouillonnante «Bucky Done Gone» retentit et qu’on a peine à danser, c’est que quelque chose cloche. Ce quelque chose, c’était encore une fois le son: tout aussi boueux et brouillon que la dernière fois, aggravé ce coup-ci par d’intenses larsens, présents tout au long de son heure sur scène.
Incompréhensible. Il n’y a sur scène que cinq microphones (plus une DJ à l’utilité discutable: tout était clairement préenregistré) et pas moyen d’en tirer un calibrage sonore décent? Quelqu’un, quelque part, dort sur la switch (et on ne parle pas ici de son collaborateur du même nom).
Ajoutez à cela la faiblesse notoire de M.I.A. au niveau du chant – un problème qui ne s’est pas amélioré, lui non plus – et il y avait de quoi sortir du Métropolis irrité. Qu’elle chante ou qu’elle rappe, la demoiselle est constamment à côté de la note, en plus de manquer cruellement de tonus.
On comprend où elle veut en venir: son concert se veut urbain, ghetto, près de la rue, d’où l’approche sound system et l’absence de musiciens à ses côtés. L’intention est louable, mais l’absence d’un mix sonore acceptable après toutes ces années, inexcusable.
Dans sa musique et son imagerie, M.I.A. souligne les injustices sociales, l’inertie des politiciens. Mais en restant ainsi insensible à ses obligations de performeuse, aux exigences des concerts en grosses salles, elle se montre aussi déconnectée que ceux qu’elle dénonce.
Bien sûr, l’image est forte. Mais celle de M.I.A. aussi. On est donc en droit de lui servir la même médecine: M.I.A. et Stephen Harper, même combat!