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Pop Montréal jour 4: air froid, surprises chaudes

L’événement était inscrit dans le programme, mais pas son invité d’honneur: Malajube donnerait une prestation acoustique lors d’un party gratuit sur la terrasse des bureaux d’Ubisoft en 5 à 7, juste avant une prestation d’Ensemble et la projection du film Before Night.

Il fallait être coriace pour rester durant les deux derniers volets: quel froid il faisait au sommet de l’immeuble du Mile-End! Mais ça valait la peine. Ensemble, le projet du Français en exil à Montréal Olivier Alary, donne dans un mélange gracieux de folk, d’électronique et de psychédélique qui gagne à être connu. Un de ses morceaux rappelait énormément Broadcast, ce qui est toujours une bonne chose.

La prestation de Malajube, elle, rappelait combien il fait bon de vivre à Montréal, des fois. La montagne aux couleurs d’automne en arrière plan, le soleil qui se couche lentement, pour projeter d’ultimes rayons forts à travers les nuages pendant que Julien Mineau scande: «Montréal, t’es tellement froide!» Le répertoire (un survol des moments plus doux de Trompe l’œil, de Labyrinthes, ainsi que versions transfigurées du «Métronome» et de «La Valérie») se prêtait par ailleurs étonnamment bien au format acoustique… Après le concert, Julien Mineau me parlait avec enthousiasme l’entrée imminente du groupe en studio, sans aucun réalisateur, pour concevoir la suite de Labyrinthes. «Ça va torcher», a-t-il promis, tout sourire.

Le temps d’aller mettre quelques pelures de plus et zou, direction centre-ville. Aux Foufs, j’ai été étonné de voir à quel point Atari Teenage Riot n’a pas pris une ride depuis sa dernière visite en ville, il y a de cela douze ans. Physique et musicalement. Encore entouré d’antiques machines à boutons (des laptops? Connais pas!), le trio allemand a craché son hardcore numérique (samples de guitare + rythmes techno ultrarapides) avec la même conviction et la même énergie qu’à l’époque. Sans lancer de pied de micro dans l’assistance, cette fois (un geste d’éclat posé au concert donné au Studio Juste pour rire, en 1998, par feu Carl Crack, un membre original du trio depuis décédé des suites d’une overdose).

Reste qu’on a vite le tour de la question… Direction Club Soda, donc, pour Radio Radio et Isis. Un mois après son passage au Café Campus, l’ex-chanteuse de Thunderheist a offert un aperçu un plus clair de la direction qu’elle compte prendre en solo. Cette fois, il n’y avait pas que des versions remaniées des morceaux de son ancien groupe. Accompagnée d’un batteur et de sa DJ habituelle, elle a livré quelques morceaux pop, et même des brûlots bien rock. Comme Grahmzilla et son projet Nautiluss, toutefois, Isis n’arrive pas encore à faire oublier Thunderheist. Le personnage est coloré, énergique, mais ses mélodies sont jusqu’à présent bien quelconques.

Quant à Radio Radio, le trio s’est montré égal à lui-même: animé, agréablement décalé… La présence de «vrais» musiciens à ses côtés (Stéphane Bergeron et Julien Sagot, les deux batteurs de Karkwa, ainsi que le guitariste Kim Ho, de Creature) était un ajout agréable, mais non essentiel. La vraie surprise, c’était de voir le Club Soda plein. C’est officiel: le Québec a bel et bien adopté les trois rappeurs acadiens.

La montagne qui avait accouché d’une souris
Le duo britannique Mount Kimbie était sans doute l’invité du festival que j’attendais avec le plus d’impatience. Son album Crooks and Lovers est assurément l’une des meilleures parutions électroniques lancées cette année. Malheureusement, en live, le duo déçoit. Trop peu de relief, de vie, dans son enfilage de boucles. Soit, il avait une guitare pour réchauffer le tout, mais il manquait quand même une véritable impression de live. De l’improvisation, des manipulations additionnelles, que sais-je… Tout ce qu’un Hudson Mohawke a semblé faire les deux doigts dans le nez, deux jours plus tôt. Les deux Anglais auraient pu faire jouer leur album et gratter quelques accords de guitare par-dessus et on n’aurait pas fait la différence.

Deux portes plus bas, au Club Lambi, l’ensemble new-yorkais Budos Band n’a pas eu ce problème, c’est le moins qu’on puisse dire. Près d’une dizaine de musiciens sur scène, des rythmes funk et afrobeat bouillonnants, une salle archipleine, une chaleur suffocante… Pas de doute, le groupe maîtrise son sujet et sait lui donner vie sur scène. En revanche, il ne dégage pas de véritable étincelle, ne provoque aucune explosion majeure. On danse volontiers, mais le besoin n’est pas criant, immédiat. Dans un genre similaire, Lee Fields & the Expressions a fait un meilleur boulot, lors de l’édition 2009 du festival.

En début de journée, il a été confirmé que Deerhoof était l’invité-surprise de fin de soirée, à l’Espace Réunion. La nouvelle s’est répandue comme une traînée de poudre: foule et file il y avait, au loft de la rue Hutchison. Le quatuor californien a donné sa prestation énergique d’usage, colorée par le chant délicat de Satomi Matsuzaki et la batterie musclée de Greg Saunier. Cela dit, le déclin de la qualité de ses albums, depuis l’excellent Milkman (2004), s’est fait sentir. Son répertoire actuel est moins mélodieux, moins efficace. Fatalement, il en va de même de son concert. Le groupe demeure néanmoins une coche au-dessus de la moyenne indie-rock.

En conclusion
Concert de Gorillaz au Centre Bell oblige, j’ai dû sauter la dernière journée du festival et ainsi conclure ma tournée de Pop Montréal 2010. Encore une fois, l’événement a amplement su sustenter les appétits curieux en offrant un vaste choix de valeurs sûres, de figures-cultes et de découvertes, qui faisaient de ces traversées de bord en bord de la ville au froid ou à la pluie un moindre mal et non une corvée. Certains ont déploré l’absence de vrais gros noms, de vraies grosses légendes, ainsi que les annulations de quelques participants attendus (Solange, Tom Tom Club…). Il reste quand même qu’on ne s’est pas ennuyé un instant et qu’il y avait toujours une destination à explorer, à part peut-être durant la première soirée du mercredi, à la programmation moins appétissante.

Mes meilleurs moments du festival? Je retiens, dans le désordre, les concerts d’Indian Jewelry à l’Espace Réunion, Timber Timbre à la Fédération ukrainienne, Passwords au Rialto, Silly Kissers au Rialto, Atari Teenage Riot aux Foufs, Les Savy Fav à l’Espace Réunion et les Dears à la Mission Santa Cruz.

Mention spéciale aux succulents tacos du kiosque Grumman ’78, installé à l’Espace Réunion durant le festival. C’était un incitateur presque aussi important que la musique pour faire le trajet à vélo chaque soir. À quand un pignon sur rue?

 

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