Quand on se nomme BGL, on cultive inévitablement cette impression de grande entreprise plus grande que nature. Normal, quand on y pense. Il y a au Québec un certain PKP, millionnaire qui a mis son journal en lockout, ou encore, en France, l’immense conglomérat derrière tant de marques de mode et de produits de luxe, LVMH. Mais rassurez-vous. Oui, BGL collectionne les manifestations et installations ambitieuses, mais c’est toujours avec cet esprit de mauvais coups entre amis, pour l’art qui déroute et qui suscite le rictus, à l’image de leur charmante réponse à notre demande d’entrevue. «On aime bien manger avec des filles le midi parce que ça paraît bien.» Heureux hasard. Nous aussi, on préfère luncher avec des artistes, surtout quand on engouffre sushis et saké.
Mais comme une très grande compagnie, BGL est beaucoup plus que l’heureuse contraction des trois noms de famille de Jasmin Bilodeau, Sébastien Giguère et Nicolas Laverdière, une union qui remonte à cette première exposition universitaire en 1996. BGL, c’est avant tout une entité sans chef, homogène et démocratique. Tellement qu’il est interdit de spécifier qui dit quoi. «On aime bien l’idée de se cacher derrière quelque chose de plus gros que nous. On reprend les idées de chacun. Donc, ça ne sert à rien de se faire citer personnellement. Ce qui compte, c’est BGL.»
Pendant un mois, le groupe d’art contemporain basé à Québec a préparé Cultiver son jardin au Centre de design de l’UQAM, un laboratoire improbable où natures mortes et vivantes se confrontent. BGL a donné des maladies à des arbres (déjà morts) à l’aide de guimauves. Par la suite, des branches sont devenues une bonne raison pour faire flamber des guimauves de manière fictive. Des projets, BGL les collectionne, comme le prouvent les vidéos sur YouTube; ils sont pourtant plutôt bricoleurs, adeptes des objets et non des friands d’images vidéo. Il y a Le piège, cette crémerie de bord d’autoroute qui semble accueillante au premier regard, mais qui est une véritable trappe à mouches. Sur Artistique Feeling 2, ils font voler 20 000$ dans une immense pièce de musée, afin d’observer la longue chute de l’argent.
L’année dernière à Toronto, BGL a épaté la galerie Diaz – qui depuis les représente – en transformant les lieux en labyrinthe. Un faux dégât d’eau accueillait les gens à travers ce parcours obligé, qui passait d’un éclairage à néon à celui plus intime d’un poêle à bois électrique. «Très prenant physiquement, cette installation… Je te dirais que plus les écrans envahissent notre environnement, plus ça légitime ce que nous faisons. Dans une ère où l’image d’un objet est plus intéressante que l’objet lui-même, BGL trouve sa raison d’être dans cet amour de la matière.» On ne peut que lui donner raison.
BGL/Pascal Grandmaison/Adad Hannah/Karen Tam
Jusqu’au 4 janvier 2011
Musée d’art contemporain de Montréal | 185, Ste-Catherine O. macm.org
Cultiver son jardin
Jusqu’au 16 janvier 2011
Centre de design de l’UQAM | 1440, Sanguinet | centrededesign.com