Il n’y a pas de telle chose qu’une «mauvaise année», en musique – quand on ne trouve rien de bon, c’est qu’on ne cherche pas assez loin. Cela dit, j’ai quand même sauté mon habituelle rétrospective de l’année, l’an dernier, dans ce même espace. 2009, me semble-t-il encore, a surtout été faite de petits coups de cœur, de continuité, de grosses parutions efficaces mais pas mémorables… Le statu quo, quoi.
Mais 2010? Là, on parle.
Juste sur le plan local, il y a eu en masse à se mettre sous la dent. L’époque des recrues fin prêtes à l’exportation est peut-être révolue (quoiqu’à voir le public réagir durant des concerts de Random Recipe ou de Suuns, il y a de quoi en douter), mais ce qui se passe dans les bars présentement est aussi intéressant, sinon plus. Le jeune label Arbutus Records s’est abattu sur la ville comme une tornade. Silly Kissers, Sean Nicholas Savage, Blue Hawaii, Grimes… La bande issue de l’Ouest canadien a ramené à la scène locale une dose de fun pur dont elle avait bien besoin à coups de parutions de qualité (souvent gratuites!), juste assez en marge des tendances indie pour faire changement, mais néanmoins à la page, ainsi qu’avec des concerts-événements sans prétention, où on danse sans surveiller sa coupe de cheveux. Rafraîchissant.
Du côté francophone, une surprise agréable: l’émergence d’une mini-scène country en phase avec ce que Lake of Stew et les United Steel Workers of Montreal font depuis des années, mais s’exprimant dans la langue de Molière! Canailles, Les Revenants et Caloon Saloon ont montré qu’il était possible de capter l’esprit échancré du folklore yankee sans laisser son identité de côté. Et vice-versa.
Philémon Chante et Jimmy Hunt ont donné un coup de pinceau bien nécessaire à la chanson, Alaclair Ensemble nous a redonné envie d’écouter du hip-hop francophone…
Au niveau international, LE phénomène a bien sûr été la vague glitch-hop/post-dubstep/électro-rap (peu importe comment vous voulez la nommer) enfantée par Flying Lotus, Nosaj Thing et leurs potes. Beaucoup de foyers d’infection et de variantes, du Royaume-Uni (Mount Kimbie, Hudson Mohawke) à la Californie (Shlohmo, Lorn, Teebs, Lazer Sword, etc.), mais un consensus général voulant que les univers de Boards of Canada, Aphex Twin et J Dilla soient faits pour être croisés et que les concerts soient faits pour la réinterprétation d’une œuvre, pas juste le DJing.
Paradoxalement, peu de vrais bons disques sont sortis de cette vague jusqu’à présent. Beaucoup de ces artisans tombent dans une sorte de trip-hop vaguement science-fiction. Mais le bouillonnement est là.
Si les découvertes ne font pas l’année, à la surface aussi, on a été gâtés. Des figures établies comme Arcade Fire, Deerhunter, les Sadies ou Caribou auraient pu accroître leur notoriété en restant sur le pilote automatique, mais ont quand même choisi de repousser leurs limites. Rien n’est plus agréablement surprenant qu’un artiste connu qui se dépasse. Ça redonne la foi.
Donc, il n’y a pas de telle chose qu’une mauvaise année musicale. Il y en a cependant des bonnes. Et 2010 a tout l’air d’en avoir été une.