La musique est un art comparable au meurtre. On est parfois choqué de retrouver la pléthore d’œuvres qu’un artiste a laissées derrière lui sans qu’on en ait pu soupçonner l’existence. Comme le jardin secret qu’on retrouve sous les fondations de la maison d’un meurtrier. Les crimes de Ted Bundy, les Basement Tapes de Bob Dylan, même combat!
Question de savoir ce qui se passe dans la tête de ces créateurs cachottiers, NIGHTLIFE s’est entretenu avec Olivier Alary, alias le cerveau derrière Ensemble, alias l’homme qui a collaboré avec Björk, mais qui préfère son anonymat à l’ubiquité d’une vie d’artiste. Français installé ici depuis quelques années dans la plus grande discrétion, il lance ce mois-ci un troisième chapitre de son projet secret, intitulé Excerpts.
Ta musique ne mérite pas d’éloges à la première écoute, car elle est tout simplement trop intelligente pour n’être qu’une aventure d’un soir. Qu’en penses-tu?
En fait, c’est qu’il y a tellement de groupes et de marchés saturés de choses «stylistiques» que je voulais faire quelque chose que je voudrais entendre à long terme. Après mon deuxième disque, j’ai dû me rendre à l’évidence: soit je vis de l’industrie des feux de paille ou soit je fais de la musique de film.
As-tu l’impression de faire de la musique pour une poignée de privilégiés?
Je ne cherche pas à faire quelque chose d’invendable, je veux simplement créer des espaces dans lesquels je peux travailler. Je ne suis plus vraiment intéressé à esquisser un nouveau son, je veux pas mal plus jouer sur les arrangements. Mais je ne fais pas de la musique pour des musiciens, malgré le fait que je trouve quand même que les arts manquent un peu de recherche ces jours-ci. Tu sais, les choses que j’apprécie sur le moment, avec le recul, je finis par ne plus vraiment les aimer en général.
Qu’as-tu acheté de «viable» cette année?
Ce serait plus une liste de films que de disques, mais je fais tellement peu attention, tu sais. Disons, Owen Pallett. Je peux tricher et te répondre que j’ai acheté des rééditions d’albums de Robert Wyatt?
Comment te sens-tu par rapport à la transposition live de ta musique?
Avant, le label voulait que je tourne avec un musicien, mais maintenant on est un groupe de cinq. On ne peut pas prendre de batteur, par économie de moyens. La formule fonctionne assez bien à cinq, même si ce n’est pas économiquement viable. C’était cool à M pour Montréal, mais je préfère les happenings; on n’a pas à prévenir le monde du fait qu’on n’est pas sensationnels ni rock’n’roll. Depuis cinquante ans, y’a tellement de trucs qui se sont faits. Le rock’n’roll est une forme assez cloisonnée, tout a été tellement bien dit avant moi.
Ensemble: Excerpts
sortie le 25 janvier chez Fat Cat Records
www.ensemble-home.com