Et si vendredi soir, tu sortais dans un bar, que tu frenchais, que tu tombais en amour, que l’objet de ton affection partait faire une maîtrise en Italie, qu’à son retour vous choisissiez d’être «in a relationship», que vous travailliez pour le même mentor mais pas au même moment. Que vous vous inscriviez à la même émission de téléréalité, que tu sois finaliste, que tu gagnes 100 000$ que tu utilises pour démarrer un projet créatif à deux. Mettons. Y croirais-tu?
C’est ce que vivent José Manuel St-Jacques et Simon Bélanger, designers de mode, amoureux et gagnants de la téléréalité La Collection (oui, oui, avec Chantal Lacroix, à TVA). Ils se sont connus dans une soirée de Plastik Patrik au Saphir en 2007. Vous étiez peut-être là. «Je me suis inscrit par orgueil, pour voir si je serais pris aussi, comme Simon. Ça a touché mon ego» avoue candidement José Manuel, le vrai gagnant de l’aventure. C’est Denis Gagnon qui met Simon sur la piste du concours, en lui apprenant que le gagnant remportera un chèque de six chiffres. Simon est retranché juste avant la finale.
Pour eux, Gagnon a été un mentor et une intarissable source de connaissances et d’expériences. Les deux designers sont passés par son atelier à différentes époques de la rocambolesque histoire du plus muséable des créateurs de mode québécois. Simon a aussi travaillé dans le studio de Marie Saint Pierre, alors que José Manuel a collaboré avec Yso à la création de costumes pour les Ballets jazz de Montréal après des études à Marie-Victorin et en art à Concordia.
Pop, pigeons et parcours lumineux
J’avais remarqué le travail de St-Jacques à la dernière édition du défilé Fashion Pop: les teintes de terre battue, les zébrés fluides et les coupes audacieusement organiques m’étaient apparus comme les plus méritants, mais le jury avait choisi la designer Natasha Thomas. Il m’avoue aujourd’hui avoir participé à Fashion Pop pour se changer les idées, sachant à ce moment qu’il était finaliste à La Collection, mais pas qu’il allait remporter les grands honneurs. Il s’est passé un an de l’inscription au dévoilement du gagnant (la série a été tournée en février et la finale, l’automne dernier): les mois d’incertitudes (créatives et financières) ont été durs pour St-Jacques et Bélanger.
Leur première collaboration, c’était pour la collection présentée en finale de l’émission par José Manuel. Mais avec le magot remis par la production, ils ont choisi de présenter une première collection de douze looks au printemps. Inspiré par les pigeons et l’histoire de Grey Gardens, petit domaine où vécurent une mère et sa fille de la haute société new-yorkaise, le tandem observe avec ironie le milieu de la mode, qui tourne en rond à son avis.
Fiers d’être montréalais, ils voient grand: ils souhaitent jumeler connaissances traditionnelles et matières intéressantes (comme le suède et le cuir, souvent usés et poudrés) pour obtenir un résultat moderne (on pense aussi au collectif Samare et à son utilisation de la babiche). Un exemple? Une robe en lanières de suède rouge crocheté. «On est ambitieux, on veut rentrer chez Holt Renfrew. On veut vendre ailleurs», affirment-ils sans hésitation, tout en soulignant que leur sensibilité des formes s’accompagne d’un sens pratique bien développé. Et dans cinq ans, ils veulent être sur la lune.
Une question, en terminant. Vous avez appris quoi, avec Denis? Sans hésiter, José Manuel répond: «À laisser aller. À mettre les règles de côté. À se faire confiance.» La leçon a été retenue. En attendant de découvrir cette première collection, on peut se procurer les t-shirts sérigraphiés par le duo avec leur amie Jacinthe Loranger. Le projet s’appelle Lost and Found, et les items sont en vente à la boutique General 54 et sur Etsy.