On peut douter que les «beatophiles» qui ont rempli les murs du jeune CFC, vendredi soir, connaissaient tous bien le répertoire de Teebs et de Samiyam, pas nécessairement les figures les plus en vue de la scène électro-rap californienne. Cela dit, l’équation, à ce stade, est simple: si ça vient du collectif Brainfeeder, on peut s’attendre à une joyeuse rencontre entre hip-hop enfumé et électro, à quelque chose d’à la fois festif et aventureux et, surtout, à plus qu’un simple DJ set. Ajoutez le magicien numérique local Kenlo Craqnuques et vous avez ma foi un programme alléchant. Bref, ça circulait mal dans l’endroit et on ne se demande pas pourquoi.
Pour la plupart, il s’agissait d’une première visite dans le nouveau bar de la rue Saint-Hubert, sis dans les murs de feu le Zoobizarre, fermé il y a déjà un an et demi. L’ambiance était pour le moins étrange en début de soirée: musique du Zoobizarre, public du Zoobizarre, décor du Zoobizarre, mais ce n’était pas le Zoobizarre. Un peu comme faire le party dans la maison d’un mort…
Après de brefs DJ sets par les hôtes Lexis et Rilly Guilty, Teebs n’a guère tardé à réchauffer l’atmosphère. On pouvait se demander comme il allait apprêter sa musique – un mélange délicat de beats à la J. Dilla et d’ambient, plus riche en atmosphères qu’en rythmes et en basses. Mais c’est une partie du plaisir de suivre la scène glitch-hop: cette habileté qu’ont ses artisans les plus sérieux à remoudre leurs concoctions spécialement pour la scène. Le peintre et musicien n’a pas déçu: tout était vigoureusement rebrassé, remixé, enrichi de couches rythmiques additionnelles. Les têtes ont hoché. Cela dit, si le système de son du CFC a bien opéré durant les DJ sets d’ouverture (et durant le set de Samiyam qui allait suivre), ses carences en hautes fréquences servaient mal la musique de Teebs, dont on perdait ainsi une partie du propos. Voilà le genre de set qu’on aurait mieux pu déguster au Belmont.
Samiyam est arrivé encore mieux paré pour le dancefloor. Sur disque, il peut se faire aussi excentrique que Teebs, mais il a misé sur son matériel plus dansant, privilégiant les morceaux rappés. Sa prestation consistait essentiellement en un travail de console: mixer ses morceaux, ajouter des effets dub par-ci, par-là… Devant cette cadence plus entraînante, la danse s’est intensifiée et on s’est retrouvé dans une ambiance qui rappelait un peu les «grosses» soirées du Zoobizarre (Bounce le gros, Sharp à l’os, etc.).
Après un autre bref set de Rilly Guilty et Lexis, Kenlo Craqnuques, qui avait dû retarder son set en raison de problèmes techniques, a conclu la soirée avec une brève prestation de laptop, faite de beats ludiques, déglingués et bizarroïdes, à l’image de ceux qui composent ses albums «de couleur» (Brun, Rose, Mauve, etc.). Après l’escalade Teebs/Samiyam, sa présence a permis une agréable baisse de tension, toute en teintes nocturnes, et ainsi apporté une belle conclusion à la soirée.
Soirée qui a survolé un spectre assez large de sonorités du hip-hop champ gauche. Il y avait de quoi se sentir nostalgique du Zoobizarre ainsi que de l’hiver 2010, alors que les visites du clan Brainfeeder et de ses semblables étaient plus fréquentes. Souhaitons que la tradition reprenne et se maintienne dans les mois à venir… Shlohmo, Ocuban, Lobisomem, Mux Mool, Joob… Il reste tant de figures du genre à faire venir à Montréal!
Pour voir les photos de la soirée prises par notre photographe Jean-Philippe Allard, consultez notre album photo.