Auteur du roman acclamé L’Immeuble Yacoubian, penseur engagé du monde arabe, révolutionnaire des temps modernes et dentiste, l’égyptien Alaa Al Aswany veut combler tous les maux de sa société. Pour le Festival littéraire international de Montréal Metropolis bleu, l’intellectuel politisé participera notamment à la table ronde «Écrivains en péril», où il sera question des problèmes de liberté d’expression des artistes au Proche-Orient. Entrevue téléphonique entre le Caire et Montréal, sur un dossier chaud qui fait fondre les problèmes de connexion interculturelle.
Vous êtes réputé pour vos ouvrages à caractère politique et pour votre engagement. Qu’est-ce que ça représente pour vous d’avoir la chance de vivre la révolution égyptienne en temps réel?
C’est une grande chance pour moi, puisque mes écrits ont dénoncé cette dictature. Je suis descendu dans les rues chaque jour de la révolution, j’ai parlé devant des milliers de gens sur la place Tahrir. La révolution a changé les Égyptiens : j’ai vu des qualités chez les gens que je n’avais pas remarquées auparavant. Les manifestants ont fait preuve de beaucoup de force de caractère. Des personnes se faisaient abattre autour de nous, et malgré tout, les Égyptiens continuaient à avancer. La révolution est une nouvelle naissance.
Quels sont les maîtres à penser qui vous ont inspiré dans la construction de vos idées?
J’ai fait une partie de mon éducation en France, et cela a beaucoup influencé ma pensée. Le français est plus qu’une langue, c’est une tendance; c’est un ensemble d’idéaux de liberté et de justice.
Quel est votre avis sur les réactions de la communauté internationale face à l’éclatement politique du monde arabe?
J’ai senti un grand soutien de la part des peuples du monde. Nous avons fait la révolution pour la liberté et la démocratie. Un être humain ne mérite pas plus la démocratie qu’un autre être humain. Les gens l’ont compris et nous ont appuyés. Mais je suis déçu des gouvernements. Par exemple, les Américains disent encourager la démocratie. Pourtant, ils ont appuyé les gouvernements dictatoriaux du monde arabe, comme ceux de Moubarak, de Ben Ali et de Kadhafi. J’aimerais que les actes des gouvernements reflètent leurs paroles.
Vous dites que ce sont les jeunes, et non pas les intellectuels, qui ont amorcé le mouvement égyptien. Parlez-nous de l’importance politique accordée aux nouvelles générations.
Il faut comprendre une chose, c’est que presque 60% de la population égyptienne est composée de jeunes de moins de 25 ans. Mais tout le monde a participé à la révolution: les jeunes, les vieux, les femmes et les enfants. J’ai beaucoup parlé du concept de peuple dans mes écrits, mais jamais je n’en avais autant saisi le sens que maintenant. La révolution égyptienne est résolument une révolution par le peuple.
Festival Metropolis bleu
Du 27 avril au 1er mai
Holiday Inn Select | 99, Viger O.
Table ronde Écrivains en peril | Le pouvoir des mots: écrire au Proche-Orient en période de crise | Samedi 30 avril à 20:30
On the State of Egypt: A Novelist’s Provocative Reflections (2011) de Alaa Al Aswany | American University in Cairo Press aucpress.com | Version française à paraître en septembre 2011