On rivalisait d’épithètes enthousiastes, mercredi soir, à la sortie du Métropolis. La première du concert audiovisuel ISAM d’Amon Tobin venait tout juste de se terminer et il ne faisait aucun doute qu’un nouveau pas venait d’être franchi dans l’esthétique des concerts musicaux. Oui, c’était aussi épique qu’on nous l’avait promis. Tout à coup, Daft Punk et sa pyramide multicolore semblent quasi préhistoriques.
Le concept n’était pas si différent de celui tenté par le duo français en 2006-2007: une structure massive, la vedette installée en son centre et des projections élaborées (dont on ne savait si elles provenaient de l’extérieur ou de l’intérieur) illustrant chaque morceau. Sono monstre. Live ou préenregistrée, la musique? Probablement un peu des deux, avec un peu plus de la seconde option. Mais comme chez Daft Punk, le niveau de stimulation était tel que ça n’avait plus d’importance. Avec des projections infiniment plus complexes que celles vues au Centre Bell il y a quatre ans.
L’attirail, un amas de cubes qui ressemblait à un croisement entre Habitat 67, la cité de cristal de Superman et la pochette du dernier Malajube, prenait pratiquement toute la scène du Métropolis. Un gigantesque canevas en relief (permettant un certain effet 3D) servant en gros à donner vie à l’univers visuel suggéré sur les pochettes d’albums de Tobin depuis ses débuts: vaisseaux spatiaux monstrueux, paysages futuristes apocalyptiques, flamboyantes abstractions numériques, effets de style avec les éléments (feu, eau, vent, etc.) et bien plus. En une heure et demie, on est allé loin, très loin dans le subconscient artistique du bonhomme (et dans son répertoire: de Bricolage, 1997, au tout nouveau ISAM). Pour une rare fois, on voyait sur scène quelque chose de semblable à ce qui se passe entre les deux oreilles lorsqu’on écoute sa musique.
De toute évidence, Tobin vient de trouver son schtick, son truc à lui, LA façon de rendre sa musique sur scène. Pourra-t-il dorénavant se produire sans une telle production? On en doute. Tout comme les Flaming Lips doivent désormais avoir les confettis et les mascottes.
Du même coup, il donne le chemin à suivre pour les productions scéniques futures. La barre est haute. Mais Tobin a toujours été l’homme à hausser les standards dans son domaine: avec le trip-hop puis le drum & bass dans les années 90, puis le dubstep avec ISAM. On ne se serait pas attendu à ce que ce soit lui qui fasse avancer l’art du live, mais c’est exactement ce qui vient de se produire.
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Le trio torontois Austra, qui s’arrêtait au Il Motore le jeudi 26 mai, n’avait peut-être pas d’attirail scénique imposant ni de projections, mais il nous a quand même fichu un sacré coup. Il n’y a pourtant rien d’original dans son électro-pop sombre – au contraire, les ressemblances avec Fever Ray et The Knife sont parfois presque gênantes. Mais les chansons sont là. Grosses, nombreuses. Hit après hit. La ferveur est au rendez-vous, aussi: Katie Stelmanis a une présence imposante, vibrante; un chant fort, humain. Tant pis pour le grand nombre de pistes préenregistrées; le trio (rejoint sur scène par un claviériste additionnel) propose un bon compromis entre rester fidèle aux versions studio et une certaine vitalité live. Dans la salle pleine, tout le monde ne pouvait logiquement avoir eu le temps d’apprivoiser l’album Feel it Break, paru quelques jours auparavant, mais ça dansait et ça hochait la tête allègrement. Il serait étonnant que la hype dont jouit présentement le groupe ne soit qu’un feu de paille.