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Déclic 70: La photographie documentaire retrouve ses lettres de noblesse à la Galerie SAS

Il y a déjà un moment que le commissaire et critique d'art Nicolas Mavrikakis s'intéresse à la photographie documentaire du Québec des années 70. Cette envie de redonner une juste place à ce type de photographie, Mavrikakis la communique ici et là, également à des musées qui ne répondent pas instantanément à l'appel. C'est finalement Frédéric Loury, fondateur et directeur de la Galerie SAS, qui manifeste son enthousiasme à présenter une exposition qui révèle un autre Québec, un Québec social, engagé, jeune, et manifestement, pauvre. «On voulait signaler qu'il y a une génération qu'on a tendance à oublier. Et également que la photographie documentaire a été écartée du devant de la scène. Au Québec, on a mis de l'avant la peinture, le Refus Global et même les documentaristes de l'ONF. Il faut aussi dire que cette photographie documentaire n'a pas eu de bonnes presses. L'écrivain Vallières avait même écrit contre le projet photo du village D'Israeli. On trouvait que les photos envoyaient une image négative du Québec, qu'on avait photographié la misère et non le centre communautaire tout neuf. Tout ça a joué contre eux..»


Jean Lauzon, Au comptoir du restaurant Zellers de Drummondville

 

Ce qui frappe également de la photographie des années 70, c'est cet amour pour le regroupement, cette envie chez les photographes de se rassembler au sein d'un collectif. Pierre Gaudard, Gabor Szilasi, Claire Beaugrand-Champagne, Roger Charbonneau, Michel Campeau ont participé de proche ou de loin au GAP (Groupe d’Action Photographique). Clara Gutsche et David Miller ont eux fondé le collectif Photocell. Jean Lauzon et Normand Rajotte se sont réunis au sein du groupe Prisme. Marik Boudreau a fait partie de Plessisgraphe, alors qu'Alain Chagnon a participé au Groupe des Photographes Populaires. Qu'est-ce qui explique cette mouvance d'autrefois et l'absence complète de collectifs en photographie, voire même en arts visuels aujourd'hui? «Je crois que ça représente bien l'esprit de l'époque. Ils étaient jeunes, début vingtaine, ils voulaient s'amuser.  Et on avait alors l'impression qu'ensemble, on était capable de faire des choses. Aujourd'hui, c'est tout le contraire. On glorifie l'individu, l'artiste individuel génial. On a plutôt l'impression que c'est par nous-même, comme individu, que le changement commence. On minimise les engagements collectifs. Même le mouvement environnemental nous responsabilise individuellement et non en tant que collectivité.»


Marik Boudreau, Chez Maurice Marché Jean-Talon
 

Exposition touffue, la Galerie SAS présente une foule de photos marquantes, qui révèlent l'évolution grand V que le Québec a entrepris depuis les années 70. Surtout, il nous rappelle un passé touchant, même accablant, que l'on désire parfois oublier. Une recherche incroyable accompagne ce choix de photographies dont des coupures de journaux, bref une réelle mise en contexte de cette époque. On comprend que le sujet habitait pleinement son commissaire, qui s'est promené pour rapatrier l'ensemble de ces images. «Je suis également historien de l'art et c'était donc pour moi important de participer à la réévaluation de quelque chose. Je suis enfant d'immigrants qui sentaient le besoin de glorifier notre culture, la culture du Québec. On fait ici un amalgame très bizarre entre la fierté de sa culture et être indépendantiste. Mais pourtant, on pourrait très bien être fédéraliste et être fier de sa culture. Nous avons tout mélangé.» Déclic 70 remet justement les pendules à l'heure et redonne à la photographie son juste droit à l'histoire.

 

Déclic 70
Jusqu'au 15 octobre | Galerie SAS | 372, Ste-Catherine Ouest, suite 416 | galeriesas.com

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