Comme à chaque édition, la dernière journée du FME avait des airs d’épreuve. Après trois jours à bambocher, ne dormir que très peu et se bombarder les tympans, les allées et venues à travers Rouyn devenaient un peu plus difficiles.
Le genre de circonstances où une musique un peu plus douce est la bienvenue. J’ai donc opté pour Le Grand Nord en 5 à 7 au Trèfle noir, même si la description du groupe dans le programme («rappellera à plusieurs égards Karkwa et Malajube») laissait craindre quelque chose d’un peu emprunté.
Comme de fait, le groupe montréalais, vainqueur d’un prix à la dernière édition du Festival de la relève indépendante musicale d’Abitibi-Témiscamingue (FRIMAT), reste dans les sentiers battus du rock atmosphérique, même lorsqu’il ajoute des teintes orchestrales et des giclées de distorsion. L’adresse est cependant au rendez-vous et au vu de l’appétit insatiable du public québécois pour ce genre de musique, les références connues pourraient très bien être un avantage plus qu’un désavantage. Le public du Trèfle noir a en tout cas semblé apprécier.
Heureusement qu’Alaclair Ensemble (en photo) était là pour remettre un peu d’énergie dans l’air. Un peu? Beaucoup, en fait. La troupe s’est vraiment montrée survoltée et a donné un concert sur mesure pour sa première visite à Rouyn au Paramount. Sélection efficace (dont cette nouvelle chanson, bien accidentellement inspirée par votre humble serviteur), cadence effrénée, accessoires loufoques…
Comme c’est le cas lors de chaque visite d’un groupe hip-hop champ gauche au FME, cependant (on se souvient des premières visites d’Omnikrom dans l’indifférence la plus totale), le public s’est montré quelque peu divisé sur son cas. Une partie des fans de la tête d’affiche, Manu Militari, semblait déroutée par le franglais fantaisiste d’Alaclair. J’ai pour ma part eu la réaction inverse: la noirceur exagérée et artificielle de Manu a eu tôt fait de me pousser vers les autres salles. Rien qui n’ait pu compétitionner avec les tables et les chaises laissées sur la 7e rue, cependant: le métal martelant de Massive Slavery et la chanson hyperthéâtrale de Marie-Jo Thério étaient un peu trop difficiles à avaler dans ce contexte de panne sèche.
Le trio belge Experimental Tropic Blues Band a quand même permis de clore tout ça dans la bonne humeur. Le groupe donne dans un rock garage sexy et déjanté qui ne laisse pas indifférent, façon Jon Spencer Blues Explosion, The Stooges (dont il a repris une chanson), Supersuckers, etc.
Va pour l’énergie et les riffs, va pour le sens du laisser-aller… Reste ce pépin qui empêche de prendre tant d’artistes européens au sérieux: l’accent gros comme la cheminée de la mine Noranda en anglais. Ils y tiennent tant, à leurs textes anglophones, à cette façon extrêmement théâtrale de les cracher, mais recevoir tout ça avec neutralité reste un défi de taille pour nos oreilles québécoises. Il y a la dimension politique du débat, bien sûr, mais surtout cette façon problématique avec laquelle les Européens francophones s’expriment dans la langue de Shakespeare. Ça n’est tout simplement pas possible. On l’a senti chez PIaNO CHaT, on l’a senti chez Boogers et rebelote chez Experimental Tropic Blues Band.
Ainsi s’est terminée la neuvième édition du FME. Ne restait plus qu’à traîner nos carcasses endolories vers les autobus pour une dernière soirée au camp.
Bilan de sang
Au risque d’être prévisible, on doit encore une fois parler d’une édition réussie. Rouyn-Noranda et la musique émergente, c’est comme un jeune couple très amoureux: la réussite de la cérémonie de mariage ne tient pas à grand-chose.
Tout n’est évidemment pas parfait. Plusieurs ont souligné certains programmes un peu ésotériques – avoir jumelé Passwords, Gatineau et Vincent Vallières; laissé Socalled jouer avant Panache et non l’inverse… La nuit électro, à laquelle je n’ai cependant pas été cette année, semble toujours laisser sur sa faim, selon de nombreux festivaliers croisés samedi dans la nuit.
La présence de Malajube, Canailles, Duchess Says, Galaxie, Secret Chiefs 3, Jimmy Hunt et Alaclair ne pouvait cependant faire autrement que de donner lieu à de gros partys. Et gros partys il y eut. La présence concentrée d’un tas de mélomanes et de musiciens venus de partout dans un rayon de deux kilomètres, jumelée à l’âme particulière de Rouyn-Noranda, a fait le reste du boulot.
Rendez-vous l’an prochain pour la dixième édition?