Voir la nudité, élément souvent exploité dans le milieu de la danse contemporaine, dans un contexte où la nudité a un tout autre sens, c’est la bonne idée qu’a eue La 2e Porte à Gauche. Avec Danse à 10, un projet qui fait beaucoup jaser ces temps-ci, ce collectif fondé en 2003 permet aux spectateurs d'assister à un show dans un club où des films pornos passent en boucle sur les écrans télé, où les poteaux côtoient les fauteuils de cuir rouge et où, plus l’heure avance, plus on croise des habitués… Bref, le genre de soirée qui se révèle tantôt intéressante, tantôt malaisante, mais pas toujours pour les raisons que l’on croit.
Suivant le principe du club de striptease, un annonceur introduit avec une petite blague salée chacun des numéros -chorégraphiés notamment par Marie Béland et Frédérick Gravel-, présentés sur la scène principale. Puis, comme le veut la tradition, il entrecoupe le tout avec du gros boum boum. La première à monter sur scène? Blanche Misswhite, une vraie pro du métier, qui part la soirée en force avec un numéro hyper habile. Suivra notamment la fragile Miriah Brennan, danseuse contemporaine, qui tout au long de sa chorégraphie, fera tomber des cascades de pièces de monnaie sur le sol en tirant sur les coutures de son slip ou de son soutif. On aura également droit à une prestation humoristique, à saveur médiévale et volontairement décalée, dans laquelle les chevaliers Sir Rusé et Sir Guerrier se battront pour gagner le cœur d'une princesse et l’emmener dans un isoloir.
Crédit photo: Mathieu Doyon
Car oui, il y a des spectacles privés, au coût de dix dollars, qui se donnent dans lesdits isoloirs. Il y a surtout, dans la salle VIP, un hallucinant duo chorégraphié par Stéphane Gladyszewski qu’il faut vraiment, vraiment voir (notre première photo). Pour y accéder, essayez de repérer les gens qui distribuent des cartes à jouer, avec des positions sexuelles imprimées dessus. Ce sera votre passeport pour y entrer. Ça vaut trop le coup.
Projections
C’est sûr que la soirée a donné lieu à des moments plus étranges que d’autres. En attendant que le spectacle débute, par exemple, assise toute seule avec ma canne de vin à la main (sic), je me répétais, tel un mantra : «Il ne faut pas trop que je fixe les films porno, il ne faut pas trop que je fixe les films pornos…» Mais que voulez-vous, l’œil étant ce qu’il est, il est difficile d'observer, je ne sais pas moi, les statues en forme de lion, ou le signe des toilettes qui flashe quand une autre forme de «flashing» est projetée sur plein d'écrans à la fois. C’était d’ailleurs drôle de voir certains invités de cette première regarder partout, sauf vers les télés. Ou alors, de les voir regarder la télé, vite, vite, puis faire semblant de réfléchir à quelque chose de super important, en se tenant le menton et en levant les yeux vers le plafond.
Mais ce qui était le plus intéressant à observer, c’était le clash entre les deux publics: celui de la danse contemporaine, réputé plus discret, et celui des clubs, réputé pas gêné. Dimanche soir, tandis que Clara Furey exécutait le solo très intense et très dramatique qui clôt la série de représentations sur la scène principale, des «habitués de la place» se sont spontanément mis à siffler avec ferveur et à hurler: «Yeah, yeah, YEAAAAAAAAH!» Oh oui, ça venait vraiment du fond du cœur. Honnêtement aussi, ça détendait un peu l’atmosphère. Pourtant, parmi les non-habitués du Gentleman’s Club, il y a eu comme qui dirait un froid. «Mais qu’est-ce que c’est que cela?» a demandé un spectateur d'un soir. Peut-être bien que la réponse à cette question était: «Une autre réalité»?
Danse à 10
Les 25 et 26 septembre (COMPLET)
Supplémentaires le 27 septembre et les 2 et 3 octobre à 19 h
Kingdom Gentleman’s Club (18 ans et +) | 1417, Saint-Laurent | agoradanse.com