Festival International du Film Black Montréal: 5 coups de cœur de la fondatrice Fabienne Colas
Sarah LévesqueQuoi? Le Festival International du Film Black Montréal est à sa septième édition. Eh bien, oui. Il faut dire qu'il y a seulement deux ans que ce festival porte ce nom – et non celui du Festival du Film Haïtien de Montréal. Résultat? Aujourd'hui, il y a une telle variété de films, fictions et documentaires, des évènements, des conférences et des expositions, dont une sur les tresses africaines au cinéma ONF, qu'il y a de ici de quoi plaire à tous et à toutes. Il faut s'entretenir avec Fabienne Colas, directrice et fondatrice de l'évènement, pour saisir la vivacité intrinsèque du Festival International du Film Black Montréal, qui présente cette année 125 films de 35 pays différents, dont 80 premières. De quoi voyager autour du monde, et ce, à peu de frais.
Qu'est-ce qui vous a amené à changer le nom de votre festival?
Depuis nos débuts, on recevait de petits chefs d'oeuvres qui abordaient les réalités noires des quatre coins du monde. Malheureusement, on ne pouvait les passer puisque nous étions un festival haïtien. On les retournait vers d'autres festivals. On a alors remarqué que ces gens soit ne soumettaient par leur film ou soit qu'ils n'étaient pas retenus par ces festivals. Il y a donc un lot de films qui ne jouaient pas à Montréal. On a aussi constaté en visionnant ces films qu'il y avait des similarités entre les différentes réalités black de la planète. On s'est dit qu'il serait alors bien de donner une voix à tout ça. Au bout du compte, on veut permettre au grand public de mieux connaître cette réalité afin qu'il y ait moins de malentendus, que l'on vive mieux ensemble. On a alors décidé d'agrandir la mission du festival, ce que nous avons annoncé en 2009 et réalisé en 2010.
Quels sont les préjugés auxquels vous faites face en tant que festival?
Les gens ont l'impression que nous avons beaucoup de moyens puisqu'ils ont l'impression que nous sommes le plus grand festival du genre au Canada. Cette impression vient du fait que nous présentons tous nos films avec des sous-titres en anglais et en français. On a également beaucoup d'invités comme Souleymane Cissé et Dany Laferrière, des films présentés de partout sur la planète. On a tout sauf des budgets faramineux pour faire ce que nous désirons faire. Et au début, on nous également reproché de se nommer Festival du Film Black et non du film noir. Mais pour moi, le film noir est un genre cinématographique qui n'a rien à voir avec ce que nous faisons. Black, c'est clair, ça passe partout, même en Europe et dans les Antilles.
Vous aimez vous présenter comme un festival politically incorrect. Quels sont les tabous du cinéma black?
Comme festival, on ose faire des choix qui ne sont pas évidents ou populaires. On ose aller contre la vague. On aime prendre position sur des sujets tabous du cinéma black. L'année dernière, nous avons créé une section sur l'homosexualité car c'est le sujet le plus tabou dans toues les communautés noires de la planète. L'homosexualité est inconcevable, pourtant il faut en parler pour sortir les gens de l'ombre. Certains membres de communautés trouvaient que nous étions allés trop loin, mais c'est comme ça que les choses bougent, c'est en les adressant. C'est encore difficile aussi de parler du SIDA dans les films black, ou d'exploiter le thème du vaudou. Les documentaires l'abordent, mais ce sont souvent des cinéastes hors des communautés noires qui le font.
Vos cinq coups de cœur?
1. Case départ de Thoma Ngijol, Fabrice Éboué et Lionel Steketee. Une comédie sur l'esclavagisme, c'est extrêmement rare. Ce fut le film numéro un cet été en France avec plus d'un millions sept cent cinquante mille entrées.
2. I am slave de Gabriel Range. On aborde encore une fois le thème de l'esclavage, mais d'une manière extrêmement contemporaine, comme si cela se passait aujourd'hui chez votre voisin. Ce film, basé sur une vraie histoire, se passe en Angleterre.
3. Lost in Africa de Vibeke Muasaya. Un film danois qui m'a bouleversé. C'est l'histoire d'un couple danois qui a adopté un petit garçon du Kenya. La mère décide d'y retourner pour que cet enfant connaisse ses racines. Mais l'enfant se fait kidnapper. C'est une course contre la montre pour le retrouver.
4. Mama Africa de Mika Kaurismäki. Un documentaire sur Miriam Makeba. On ne parle pas que de ses chansons, mais aussi de ses combats contre l'apartheid, pour libérer Mandela. On aborde également son exil aux États-Unis. Extrêmement touchant.
5. Noir et blanc aussi de Jean-François Méant. Un documentaire québécois sur le massacre des Albinos en Tanzanie. Les enfants albinos sont convoités car ils sont tués pour fabriquer des potions avec leur peau, leur cerveau et leurs membres, ce qui assure chance et bonheur. Ça m'a arraché le cœur.
Festival International du Film Black Montréal
Du 22 septembre au 2 octobre | montrealblackfilm.com