Aux abords de la station d’accueil de Pop, hier, un certain scepticisme régnait quant aux possibilités de cette première soirée du festival. Mis à part Arcade Fire au Métropolis et les Japandroids au Divan orange, on ne pouvait vraiment repérer de rendez-vous majeur. Simple répétition en vue des jours à venir?
Finalement, non. Si la soirée a commencé doucement – avec le combo indie-pop The Breezes au Petit Campus, puis la troupe de rock énergique Le Trouble au Balattou, tous deux compétents dans leur genre respectif, mais relativement anonymes –, elle s’est avérée fertile en coups de cœur et en découvertes dans ses dernières heures.
Le moment fort: Ponctuation (en photo) au Quai des Brumes à minuit. Si les deux EP sur Bandcamp du tandem guitare-batterie de Québec m’avaient laissé quelque peu indifférent, sur scène, les deux frères démontrent une maîtrise étonnante du sujet rock garage. Excellentes chansons accrocheuses, belles envolées de guitare un tantinet psychédéliques du chanteur Grille, son trempé d’écho, jeu précis comme une montre du batteur Max… Dieu sait qu’on a entendu suffisamment de groupes guitare-batterie, mais Ponctuation va au-delà de la formule.
La meilleure façon de terminer une soirée: AraabMUZIK au Belmont. Musicalement, le producteur du clan Dipset ne renverse rien – hip-hop thug 101 assorti de touches électroïdes –, mais son jeu est enlevant. La norme veut que le hip-hop live s’exécute au laptop. AraabMUZIK, lui, procède avec une machine à rythme, un bouton à la fois. Parfois, il mitraille si vite qu’on croirait entendre un solo de batterie de Neil Peart. Mais le plus souvent, il est juste efficace, pinçant, agréablement rude. Salle comble et suintante faite de clubkids, de puristes hip-hop et de néophytes.
Les émotions: Ira Lee dans une Mission Santa Cruz hélas quasi vide. Fan du Montréalais originaire des Prairies sur disque, je n’avais encore jamais eu la chance de le voir live, puisqu’il a passé le plus clair de la dernière année en France. Lee en donne en masse. Il est charismatique, spontané, mais si on remarque d’abord sur disque le côté comique de ses textes, live, une noirceur s’impose. Difficile de ne pas être remué quand il implore son grand-père de mourir et «de faire quelque chose de bien pour sa femme pour une fois» dans «Die», ou lorsqu’il raconte la lutte contre le cancer de sa mère dans «I Love My Mom». Et si sur disque, on s’interroge à savoir s’il vient du rap, du folk ou du rock, live, c’est clairement le rap qui l’emporte. Lee donne l’impression d’être un enfant de la génération Anticon qui aurait fait le tour du cadran jusqu’au folk.