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Pop Montréal jour 2: Arcade Fire et les punks
Crédit: Simon Gosselin

On s’attendait à l’hécatombe dans le centre-ville, hier. Finalement, tout s’est déroulé dans l’ordre et un calme relatif, malgré un achalandage d’environ 100 000 personnes sur la Place des Festivals. Au-devant de la scène, sous un ciel automnal calme et dans une température clémente alors qu’on attendait la pluie, il était même possible de circuler sans trop se marcher sur les pieds. Bref, pas de quoi faire de crise d’agoraphobie.

Comme prévu, Arcade Fire n’a pas eu à faire trop d’efforts pour induire la magie espérée. Tout, dans son concert et dans sa musique, se prête déjà aux gros rassemblements: ces grands thèmes lancinants, ces chœurs solennels, les gestuelles théâtrales de la chanteuse Régine Chassagne et du multi-instrumentiste Will Butler (il en beurre d’ailleurs un peu épais avec ses petites danses interprétatives), une scénographie bien garnie de projections d’ambiance… Le septuor (joint comme à l’habitude par la violoniste Marika Anthony-Shaw) a attaqué la foule monstre avec la même aisance que celle d’Osheaga (déjà imposante) l’an dernier ou les auditoires plus modestes de ses plus petits concerts passés à la Fédération ukrainienne ou à l’aréna Maurice-Richard et a récolté la même euphorie… à la dix.

Des moments forts? En voulez-vous, en v’là: «Ready to Start», «No Cars Go», «Haïti», «Neighborood #1 (Tunnels)», «Rococo», «Intervention», toutes aussi édifiantes les unes que les autres, toutes également ouvertes aux chants du public… Celui-ci s’est montré relativement réservé dans les circonstances, mais le public d’Arcade Fire n’est pas non plus celui d’Éric Lapointe.

Les gorges se sont forcément dénouées pour «Wake up», cela dit, avec son refrain de chœur d’armée et l’émotion qu’un si grand nombre de voix pour l’entonner implique. Idem pour «Rebellion (Lies)» et ses «nananas» gamins. Au dessert: le sublime clin d’œil synthpop de «Sprawl II», avec une mise en scène tout à fait craquante de ballons lumineux changeant de couleur lancés dans l’assistance. Aux dernières mesures, ceux-ci étaient du même rose que la robe de Régine, qui virevoltait sur scène et chantait à pleins poumons avec une justesse qui lui était encore hors d’atteinte il y a un an.

Un beau moment pour sûr. Un concert mieux rodé que celui donné à Osheaga l’an dernier en prime. Aurait-on pu espérer plus? Osons croire que oui. Ignorant les guitares, la sono trop sage a présenté une version plutôt familiale d’Arcade Fire. Point de traces des jets de rock pur qui nous avaient été lancés au visage à Osheaga. Le choix du répertoire a également donné lieu à de malheureuses baisses d’énergie: «Keep the Car Running», un rock à la Springsteen tout à fait oubliable, aurait pu être laissé de côté, tout comme l’inédit «Speak in Tongues» ou la plus mollo «Modern Man». Le concert marquait les retrouvailles d’un des groupes les plus populaires au monde avec sa ville natale: l’heure aurait dû être au défoulement et à la folie! Pourquoi pas plus de titres fougueux comme «Windowsill» ou quelques extraits du premier EP de 2003?

Mentionnons aussi le côté un peu aléatoire et incohérent des interventions de Win et de Régine au micro. Il n’y avait pas de quoi être convaincu par le témoignage de Win à l’effet que «le Québec trouverait sûrement un moyen d’aider vraiment Haïti». Quoique Régine s’est montrée vraiment enflammée par l’annonce du lancement de la version française du livre Mountains Beyond Mountains (Soulever des montagnes) sur l’œuvre du médecin Paul Farmer en Haïti, tout comme par la présentation de monsieur Farmer lui-même sur scène.

Cela dit, telle est le jour sous lequel Arcade Fire s’est toujours présenté sur scène, d’hier à aujourd’hui: une machine pop humaine, donc imparfaite.

Le retour à la réalité
Tout cela était bel et bon, mais une fois le rendez-vous terminé, il y avait encore un festival à explorer. Les vieux fans de post-punk des années 90 dont je fais partie avaient rendez-vous aux Katacombes pour le retour des piliers californiens Samiam. Vu le résultat douteux du plus récent album du quintette, le tiède Trips, il y avait tout à craindre, mais le groupe n’a finalement servi que deux nouveaux titres, laissant place le reste du temps aux classiques de ses meilleurs albums comme Clumsy (1994) ou You are Freaking me out (1997).

Un beau moment de nostalgie, mais Samiam n’est plus au sommet de sa forme, surtout du côté du chanteur Jason Beebout, qui peine à atteindre les hautes notes et à bien projeter sa voix comme il le faisait jadis. C’est fou, aussi, comme cette musique a perdu de son côté novateur depuis le temps. À l’époque, il s’agissait d’une alternative intelligente au pop-punk simplet des Descendents ou de Green Day. Depuis, des milliers de groupes punk ont éculé sa formule faite de rythmes fractionnés et de riffs relativement complexes.

Un peu plus bas au Club Soda, il restait peu de gens pour le stoner rock garage minimaliste de JEFF The Brotherhood, mais le tandem de Nashville a bien livré la marchandise. Rien de bien neuf dans sa proposition, mais le cœur y est, le volume et les riffs aussi. Tout comme Ponctuation au Quai des brumes la veille, le duo a bien su faire oublier qu’on n’avait que deux musiciens en face de nous. En prime: un look trash pas possible qui rappelle celui de Metallica vers 1982.

La soirée s’est terminée à l’Église Saint-Édouard sur Beabien avec le punk hardcore sans compromis des Torontois Fucked Up. Comme toujours, le sextuor s’est montré précis comme une montre, lourd comme un tank, mais aussi relativement convivial pour un genre aussi difficile d’accès. En fin de course, il a livré une reprise amusante quoique quelque peu prématurée de «Jingle Bells».

Une triste absence s’imposait une fois la musique terminée: les tacos de Grumman 78, ceux-là mêmes qui ont adouci plus d’une fin de soirée à Pop Montréal l’an dernier. Où êtes-vous cette année? 

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