Patrick Watson et cie révèlent les diverses facettes de Lhasa lors d’un hommage généreux
Olivier LalandeOn y allait pour rendre hommage à cette grande voix de chez nous qui a disparu trop vite à l’aube de 2010. On s’attendait évidemment à un rassemblement touchant, à quelques chouettes versions de ses chansons, mais pas à en ressortir les oreilles et le cœur aussi pleins.
Clairement, Patrick Watson, les Barr Brothers, Arthur H et les dizaines d’autres musiciens impliqués dans les deux concerts hommage du 6 et du 7 janvier au Rialto n’ont rien laissé au hasard pour rendre hommage à leur amie disparue. En tout, presque quatre heures de musique. Quatre heures! C’est beaucoup. Tout le monde ne s’est pas rendu à la fin. Mais à la sortie, on n’avait absolument pas l’impression que la horde de camarades et de collaborateurs avait cédé à la surenchère. Plutôt d’avoir assisté à un salut à l’image de l’artiste et de la femme: généreux, chaleureux, intense et aux horizons musicaux larges, riches.
Émotion au menu
Les bons moments ont été trop nombreux pour être dénombrés, le soir du 7, mais on retient la reprise d’«El Pajaro» par Patrick Watson, sans doute le mieux équipé sur le plan vocal pour chanter Lhasa. Arthur H et sa voix de rocaille sur «La Marée haute», qui plus est entouré de Watson, Plants and Animals et de membres des Barr Brothers (pouvez-vous dire «rencontre au sommet»?). Eden Sela, petite sœur de la défunte, qui a repris l’excellente «Fool’s Gold» aux côtés de Katie Moore et de Sarah Pagé (des Barr Brothers et de l’ancien groupe de Lhasa). La demoiselle n’est pas chanteuse du tout, mais elle a le même timbre grave que sa sœur. Je vous laisse imaginer le frisson.
Yves Desrosiers et Mario Légaré, associés des premières heures, reprenant Chavela Vargas, une chanteuse que Lhasa «adddorait» (dixit Desrosiers) – car oui, on a eu droit à ses préférés et pas juste à ses chansons: Bob Dylan, Atahualpa Yupanqui et, à la toute fin, après un vidéo émouvant compilant extraits de concerts, d’entrevues et de moments en coulisse de la chanteuse, Bonnie Prince Billy repris par la cantonade.
Mario Légaré, son ex-bassiste, a donné lieu à deux des moments les plus touchants. Lorsqu’il a chanté (oui, oui, lui qui ne chante jamais) «Por Eso Me Quedo» avec Desrosiers, la voix brisée par l’émotion, mais aussi plus tard, depuis l’arrière-scène, alors qu’il attendait son tour, contrebasse en main, pendant qu’Alejandra Ribeira chantait «El Desierto». De la salle, on pouvait le voir en coulisses jouer les notes sur son manche. Il s’en souvenait, près d’une décennie après avoir cessé d’accompagner Lhasa.
Y’a les mots
Puis, au fil de ces anecdotes partagées par les artistes sur scène, on a eu l’impression d’apprendre à mieux connaître Lhasa. La Lhasa perfectionniste qui fustigeait Patrick Watson parce qu’il n’articule pas assez quand il chante. La Lhasa spirituelle qui échangeait avec Arthur H sur la vie et la mort. La Lhasa spontanée qui laissait des mélodies sur son répondeur après une visite au gym avec Sarah Pagé. La Lhasa festive qui a vidé un vinier avec Plants and Animals. La Lhasa proche de ses racines latines avec Bïa et Yves Desrosiers, la Lhasa pote de Marie-Jo Thério et la Lhasa qui joue au yathzee en écoutant du Bonnie Prince Billy.
Quatre heures bien utilisées, donc, où chaque moment semble avoir été bien utilisé pour bien rendre compte de l’artiste et de la personne entière et complexe qu’était cette grande disparue.