Depuis pas mal trop d'années, dans le rap québécois, les puristes se sentent offusqués par la présence de groupes moins conventionnels qui œuvrent au sein de leur précieux "mouvement". Dernièrement, c'est l'existence du collectif Alaclair Ensemble, qui est remise en question. Devenir populaire, dans ce milieu, c'est un peu l'équivalent de voler la place de quelqu'un, qui, évidemment, la mériterait plus qu'un autre, tsé.
J'me suis toujours demandé c'que ça pouvait bin leur crisser, à ces détracteurs, que des groupes qui osent puissent profiter d'une certaine visibilité.
Au lieu de s'insurger sur la place qu'occupe Alaclair Ensemble dans le milieu, ils devraient plutôt se questionner sur celle que n'occupent pas leurs rappeurs préférés et ce qu'ils ne font pas pour y arriver. Moi j'me suis posé la question et bien sûr y'a plusieurs raisons, dont celles-ci, mais aujourd'hui j'aimerais particulièrement me pencher sur un des maillons les plus faibles du rap québécois sur lequel on n'a pratiquement jamais mis le doigt. La constance versus le branding.
À peu près tous les rappeurs font la même gaffe dès qu'ils sont sur une lancée. C'est le moyen ultime de scrapper une carrière, alors qu'elle est franchement bien entamée. Aussitôt qu'ils savent qu'ils sont sur une bonne piste, j'sais pas pour quelle idiote de raison, mais c'est quasi-inévitable dans ce domaine: ils décident de prendre une toute nouvelle direction pis de câlicer à la poubelle la plupart des trucs qu'ils ont acquis depuis des années. Ce domaine bat des records en terme de suicides artistiques.
C'est maladif chez eux de vouloir mettre la main à tout prix sur la recette qui les amènera au top, quitte à changer d'identité/de style/d'attitude/de nom à chaque 6 mois.
Si leur première mixtape pré-album a su plaire aux vrais fanatiques de hip-hop, il ne faut surtout pas s'étonner de voir que le premier album quant à lui visera plutôt à cibler les matantes pis la radio mainstream. C'est toujours comme ça, dès qu'un public bien ciblé est charmé, ils ne peuvent s'en contenter, l'abandonnent et partent à la conquête de l'impossible. Après le lancement dudit album, ils disparaissent, jusqu'au prochain disque (qui lui s'adressera à la France, aux filles et/ou aux clubs). Pis des fois, si leurs innombrables démarches à séduire les mères au foyer les ont rendus trop soft, bin on pourra assister à un virage street très peu convaincant.
C'est qu'à un moment donné, à force de mettre des efforts à vouloir tout (mal) calculer pour tenter de séduire plusieurs groupes de personnes distincts, on a l'impression d'entendre des mathématiques, pis c'est là que la plupart des fans décrochent. D'la musique qui prend les gens pour des caves. Et même eux, qui le sont généralement pour vrai, arrivent à détecter la tromperie, t'imagines.
La constance sur le long terme, c'est ce que pratiquent les gars d'Alaclair depuis des années. C'est en ne tentant pas désespérément d'être des génies du marketing qu'ils en sont probablement devenus un peu, malgré eux. Ça, pis le talent.
Un branding, c'est fragile.
Je vous déteste.