L'autre soir, j'm'installe, avec mon laptop, à une table, dans l'aire de restauration de la Place-Ville-Marie. À cette heure, y'a presque personne, y'a le Wi-Fi pis des prises pour recharger. Un de mes nombreux espaces créatifs, finalement.
Pis là, tout d'un coup, y'a un dude qui arrive. À ma table. Il s'assoit. J'examine les lieux, c'est le NÉANT. Personne. Juste moi pis lui, comme des gens qui s'connaissent. Un océan de places libres autour de nous. Pourquoi ici, à côté d'moi esti d'sans-dessein? J'me lève pis j'change de place.
Y'a des gens qui ne comprennent pas cette notion de proximité, cette loi non-écrite qui stipule que si y'a en masse de places, tu choisis le banc le plus loin. Pas celui en diagonal, ni celui d'en face, ni derrière, ni à côté. Celui qui indique que t'es un inconnu qui n'a pas envie d'interagir avec un autre, pas envie de dealer avec un regard, des respirations, des conversations de cellulaire ou des bruits de pages qui tournent. Juste, être tranquille pis profiter justement du fait que le manque d'humains dans la place permet l'appropriation d'un espace, l'agrandissement de la bulle personnelle. J'veux juste lire mon tabarnack de livre dans un coin, man.
Moi en plus, c'est sûr qu'on m'a lancé un sort. À chaque fois que j'arrive à trouver un spot où y'a personne, c'est inévitable, y'a toujours une mère qui décide de s'installer dans les environs avec ses esti d'enfants incontrôlables qui vont même jusqu'à entrer dans ma bulle, sans qu'elle ne dise rien, comme si, évidemment, ses enfants se voulaient attendrissants pour tout l'monde.
L'espace public appartient à tout l'monde, je n'en suis pas le maître. Mais à chaque fois, c'est plus fort que moi, je cherche à comprendre ce qui peut pousser un étranger à choisir délibérément de faire son nid, juste là, à côté de moi et pas n'importe où ailleurs, quand surtout, il a cette opportunité.
D'ailleurs, j'prends souvent le train, justement pour la sérénité que ça me procure, surtout en dehors des heures de pointe. Le dernier banc du dernier wagon, c'est parfait ça. Et, toujours au moment où je pense avoir tout calculé en fonction d'être seul, les quelques passagers qui s'ajoutent au trajet accrochent un à un leur bulle à la mienne, sans se poser de questions, comme les lobotomisés qu'on voit dans les films. Une suite logique. Un casse-tête. Un jeu de Dominos. Les gens sont attirés par les gens. C'est soit ça, ou bien ils ont une phobie des espaces libres.
Je les déteste.