Les très audacieux Clara Furey et Benoît Lachambre dansent sur les mythes au Festival TransAmériques
Iris Gagnon-ParadisParfois, la vie est ainsi faite qu’on poursuit son chemin alors qu’on se croyait arrivé. En 2010, le Festival TransAmériques devait présenter Chutes incandescentes, un solo créé pour la charismatique et intense Clara Furey par le chorégraphe Benoît Lachambre, reconnu ici et à l’international pour son travail sur l’hyperéveil des sens et ses créations multidisciplinaires. Puis, Clara s’est blessée et le spectacle a été annulé.
«C’est sûr qu’on était vraiment déçus à ce moment! Mais rien n’arrive pour rien dans la vie», constate avec sagesse la jeune artiste qui s’est fait autant remarquer pour son travail dansé que musical. Naturellement, de façon organique, la création a ensuite mué, empruntant un nouveau chemin. C’est ainsi que de solo, la pièce devint duo, explique Lachambre: «C’était une façon efficace de faire évoluer la pièce, car on devait continuer à …» «À créer!» complète Furey, illustrant l’amitié qui s’est tissée entre les deux artistes tout au long de ce cycle de création.
HUMANITÉS MULTIPLES
Chutes incandescentes prend ses racines aussi loin qu’à Singapour, où Lachambre avait été invité par un metteur en scène il y a plusieurs années. C’est là qu’il fut mis en contact avec un des mythes fondateurs de l’hindouisme, le Rãmãyana. Ce long poème épique, composé il y a des milliers d’années, met en scène le prince Rãma, incarnation du dieu Vishnou. Aidé du dieu-singe guerrier Hanuman, il tue le démon Râvana qui avait enlevé Sita, son épouse.
Ces personnages mythiques ont eu une résonance fulgurante chez le chorégraphe, qui reconnut dans leurs destinées des similitudes avec des rêves récurrents ayant marqué sa vie onirique depuis l’enfance. «Ces rêves ressemblent énormément à certains passages du Rãmãyana, dont la chute du démon. Ces entités appartiennent à l’inconscient collectif, elles nous habitent», croit-il.
QUAND LA CHUTE SE FAIT INCANDESCENTE
Chutes incandescentes n’est pas une relecture du Rãmãyana. C’est plutôt une mise en commun des mythologies individuelles de Furey et de Lachambre, une «chute» empreinte d’onirisme dans les profondeurs de l’être, «révélatrice de la substance du coeur, de nos douleurs, passions, élans», image le créateur. Les deux interprètes à la longue chevelure plongent dans cet inconscient collectif où se tapissent «nos humanités multiples», ajoute-t-il. «On a tous en nous une multiplicité: des sages, des démons, l’enfant, l’animal…»
TRIP À TROIS
Ces identités et rêves mythologiques s’incarnent sur scène dans les corps, les voix et les chants de Lachambre et de Furey. Cette dernière met aussi en musique une part de sa mythologie personnelle, dont des écrits du poète soufi Rumi, en plus de ses propres chansons. Une musique qui jaillit du seul objet présent sur scène, un piano. Trip à trois? «On fait corps avec le piano, ça c’est sûr!» confirme Lachambre. Plus qu’un simple instrument, le piano est à la fois prolongement du corps, caisse de résonance, partenaire de danse, lui aussi habité par des identités plurielles. «Le piano peut devenir tout, on peut monter dessus, en faire du son, il prend la forme qu’on a besoin qu’il prenne, il est vivant avec nous», conclut Clara.
Chutes incandescentes
Du 25 au 27 mai | Agora de la danse | 840, Cherrier
fta.qc.ca