Jeudi dernier, le journal Métro publiait la lettre ouverte d'une lectrice, adressée à Léo Bureau-Blouin. Dans celle-ci, la dame, sur un ton infantilisant, expliquait à Léo que bien qu'il soit intelligent et plein d'audace, il aurait mieux fait d'attendre quelques années avant de se lancer en politique, histoire d'aller apprendre la vie un peu.
Cette madame représente en fait l'illusion à laquelle s'accrochent les adultes, celle qui conforte l'idée que la compréhension de la vie vient nécessairement avec l'âge, que les expériences forment à coup sûr. Celle qui permet de regarder de haut les adolescents et jeunes adultes, celle qui hiérarchise. Celle qui met sur un piédestal le dur quotidien auquel on nous prépare.
Sitôt au monde, on nous présente la vie adulte comme ça. Quelque chose de presque trop grand, comme une profession. On nous prescrit dans l'ordre les étapes nécessaires à suivre pour être vénérable. Pis une fois majeur, on nous dit: «Attends, tu vas voir! Attends d'avoir des enfants! Attends de…»
La plupart des adultes que j'observe aujourd'hui, ceux qui l'étaient alors que j'étais enfant, ont crissé un frein à leur épanouissement intellectuel depuis des lustres, se sont complu dans ce qu'ils connaissaient déjà bien et mieux que leurs cadets de façon à revivre les mêmes tabarnack d'erreurs durant les 2 ou 3 décennies subséquentes. Je les entends se poser les questions que j'me posais à 14 ans et dont j'ai trouvé réponses deux ans plus tard. De si simples nuances de la vie, des rouages pourtant élémentaires de société. Je vois là nos aînés inaptes à se remettre en doute, qui me font même pitié.
Comme si, par défaut, l'âge formait des virtuoses de la vie post-adolescence. Un diplôme tacite remis lors des procédures entamées au 3ème divorce. Nope.
Vous êtes là à vouloir apprendre la vie à nos jeunes adultes, mais pourtant ils peuvent aisément vous expliquer la vôtre et celle de votre entourage par le biais d'une caméra, d'une plume ou d'un discours. À votre place, je m'élaborerais un bon bilan de vie plutôt que de m'inquiéter de la capacité d'adaptation des jouvenceaux qui possèdent la perspicacité d'un Léo Bureau-Blouin. Ou d'un Xavier Dolan, tiens.
Maintenant qu'ils sont prêts, vous persistez à les mettre en garde, comme quoi la vie adulte est beaucoup plus difficile qu'ils ne le croient, nous laissant déceler au passage votre angoisse d'avoir stagné/perdu du temps. C'est une façon d'assurer votre suprématie avec comme unique argument vos enfants pis votre job. À quoi bon parler d'expérience quand elle ne vous sert pratiquement à rien, sinon à constamment répéter les mêmes gaffes?
Si ça vous inquiète tant de voir les jeunes aussi fonceurs, brillants et déterminés, c'était à vous de faire votre place bien avant, de ne jamais arrêter de vouloir changer le monde. Après tout, vous disposiez d'au moins une décennie ou deux avant que ces jeunes gens ne voient le jour, et deux autres avant qu'ils ne deviennent des hommes.
Aujourd'hui, ils vous dépassent. Largement.
Je vous déteste.