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Le Détesteur: pour l’éradication des galas Méritas

Comme c'est la rentrée pis que je jouis d'une pas pire tribune, j'me suis dit que je devais peut-être en profiter pour me libérer du malaise qui m'a toujours hanté quant aux prix d'excellence/Méritas dans les écoles secondaires.

Du plus loin que j'me rappelle, ces galas récompensaient toujours les mêmes personnes. Le même type. Évidemment, y'avait quelques exceptions, mais pour la plupart, tous bien pourvus. Des enfants dont les parents avaient déjà fait carrière avant eux et sur qui la pression de réussir était énorme. Des gagnants, malgré eux. Des jeunes qui n'avaient d'autres options que la réussite, puisque de toute façon elle leur paraissait évidente.

Réussir. Ça peut sembler banal quand on prononce le mot comme ça. Y'en a pour qui, dans la tête, il est pris pour acquis très jeune. Et y'en a d'autres pour qui c'est un mythe, ils n'ont jamais pu l'entrevoir ne serait-ce qu'au travers du gagne-pain de leurs parents. La réussite, tu la crois possible quand tu l'as observée, quand t'as levé un trophée ou remporté une partie importante de hockey pee-wee. Ou même quand une fille t'embrasse pour la première fois, tiens.

La plupart des profs qui m'ont enseigné au secondaire jetaient tout ce qu'ils possédaient en dévolu sur ceux qui comprenaient déjà leur matière. Un enseignement sélectif, voire élitiste. Ils semblaient tous d'avis que s'il y avait réussite c'est qu'il y avait forcément un intérêt pour le sujet et par conséquent, l'inverse aussi. J'imagine que dans la tête d'un prof, dès que son talent pour instruire est mis à l'épreuve, il est parfois plus simple d'être de mèche avec ceux qui, de par leurs excellents résultats, tendent à le convaincre que ses méthodes d'instruction s'avèrent justes. Plus valorisant, j'ose le croire, de ne pas s'apercevoir que ceux qui échouent, c'est pas qu'ils ne veulent rien entendre, mais ne savent pas comment comprendre.

Pis les galas Méritas, ben c'était ça. On récompensait ceux qui comprenaient déjà, ceux qui gagnaient d'avance dans la vie. Ceux qui ont bénéficié d'un support supplémentaire sur les heures de cours. J'y ai assisté, une fois, à titre de représentant de secondaire 5. J'me crissais de connaître ceux qui excellaient. J'avais surtout une pensée pour les laissés-pour-compte qui avaient déjà abandonné depuis des lustres la futile idée de se voir atteindre les 60% dans chacune des matières. Ce gala ne confirmait rien d'autre que si la réussite leur semblait bien loin, l'excellence leur était alors impossible. Ça fait feeler cheap ce genre de soirée, surtout lorsqu'on sait que le lendemain matin, on retournera en classe avec ces mêmes profs qui ont décerné les prix, les gagnants et les grands perdants.

Des fois je repense à cette soirée pis j'me dis que j'aurais dû écouter ma soif de déstabiliser l'ordre établi, monter sur le stage pis leur faire comprendre qu'il s'agissait là d'une tabarnack de mascarade. Si ces galas existent toujours, ils devraient être éradiqués.

Je les déteste.

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