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Critique du roman Anima: Wajdi Mouawad ou le maître de l’insoutenable

On savait tout le talent de Wajdi Mouawad à signer des pièces de théâtre qui dérangent. Les preuves sont multiples. D'Incendies à Littoral, l'homme de théâtre sait raconter des drames épiques qui puisent dans les racines grecques de la tragédie. Mais qu'en est-il de Mouawad lorsque celui-ci joue à l'écrivain?

Anima, deuxième roman de l'homme paru chez les éditions Leméac/Actes Sud, commence sans épargner le cœur sensible des lecteurs. Wahhch Debch découvre sa femme, le ventre et le sexe charcutés dans le salon de leur appartement. Ce geste d'une violence terrible révèle qu'elle portait leur enfant. Terrassé, Wahhch Debch part sur la route à la recherche de cet assassin, bref d'un quelconque échappatoire à ce chagrin qui l'envahit.

Voilà une prémisse séduisante qui met en scène, de toute évidence, un drame sans nom pour ce protagoniste principal. Un terrain de jeu idéal pour Mouawad qui tire ici bien les ficelles de cette histoire. Toutefois, cette dérive prend quelque temps à trouver son rythme de croisière, à nous enrober complètement comme lecteur. La raison? Le mode narratif d'Anima, qui use des animaux, insectes, oiseaux et poissons comme narrateurs multiples, s'avère parfois laborieux. Il distancie parfois le lecteur du drame, lui qui doit se mettre dans la peau d'un nouvel «animal» chapitre après chapitre.

Mais Mouawad est habile. Et à force de se prêter au jeu, de se plonger dans le regard des animaux, on y prend goût. Surtout, on réalise la cruauté si présente dans le monde animal, tout comme de la violence que l'homme perpétue envers le règne animal. On prend également conscience de l'empathie, de ce silence entre les espèces qui cachent une multitude d'émotions. On pénètre également dans l'univers autochtone si proche des animaux, celui des Amérindiens d'Amérique, nation tout aussi dévastée et qui est la communauté d'origine de ce tueur recherché. Anima gagne donc son pari en nous plongeant dans un voyage percutant, poignant et brutal, où les âmes brisées sont exposées sans pudeur.

 

Anima
Leméac/ Actes Sud

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